L’espace culturel Aïn au Kran accueille en ce moment et jusqu’au 10 juin une exposition collective intitulée « Itération ». Une immersion dans l’univers de sept artistes tunisiens.
Par Fawz Benali
Fondé il y a une trentaine d’années par Mohamed Ayeb, l’espace Aïn se veut un lieu de partage et de découverte qui a vu défiler plusieurs générations d’artistes. Après plusieurs fermetures causées par la crise sanitaire du Coronavirus, l’espace a de nouveau rouvert ses portes.
Mettre en avant les jeunes artistes tunisiens
Le propriétaire des lieux accueille les visiteurs avec le sourire et prend plaisir à leur parler de chaque œuvre et de chaque artiste avec beaucoup de passion. Pour cette nouvelle exposition, il a choisi de mettre en avant des artistes plasticiens de la nouvelle génération et des régions intérieures du pays, notamment du Sahel.
Après plusieurs mois de préparation, « Itération » voit enfin le jour sous la direction artistique de Sana Jemmali Ammari, docteur en arts et sciences de l’art. Il s’agit d’une exposition collective, pluridisciplinaire et majoritairement féminine réunissant 7 artistes ( Sana Jemmali Ammari, Sabra Ben Fraj, Oumayma Ben Hamza, Nadia Charfi, Narjes Challouf, Awatif Mansour et Amir Chelly) et donnant à voir une vingtaine d’œuvres de différents formats et techniques ; on y trouve des peintures, des sculptures, des œuvres en céramique, et même une installation audio-visuelle.
Chaque artiste a apporté sa touche personnelle et a puisé dans son univers artistique pour répondre au thème central de la répétition qui fait ici écho au changement et à l’évolution. « Cheminer dans un processus de répétition et de reproduction laisse faire un retour d’idées. L’artiste élabore avec son esprit et sa créativité une représentation abstraite qui fait percevoir le monde », explique Sana Jemmali Ammari qui a encadré ce groupe d’artistes et qui est également présente dans cette exposition avec deux œuvres en céramique « Le vieillard et ses enfants » et « Between » où elle s’est servie de terre blanche et a misé sur des couleurs qui font rappel au patrimoine tunisien pour mettre en itération des bouches ouvertes qui nous font penser au fameux « Cri » d’Edward Munch.
Des formats divers et des univers décalés
Sabra Ben Fraj qui expose trois toiles en grands formats (« The dream of the kite », « The wings » et « Transition ») a choisi de nous plonger dans l’univers de l’enfance, précisément la sienne, puisqu’on a une sorte d’autoportraits qui mettent en scène une petite fille qui gribouille sur le mur pleins de petits dessins ; un travail à la fois abstrait et figuratif pour raconter ses rêves de petite fille, qui ont fini par se réaliser, car elle est devenue aujourd’hui une artiste accomplie.
Dans un registre complètement différent, Nadia Charfi, docteure en sciences et techniques des arts qui enseigne à l’Institut supérieur des Beaux arts de Sousse, nous propose trois œuvres (« El Ghanja », « Vision noire » et « Vision égarée ») où elle a fait appel à ses talents de peintre, mais aussi de sculptrice en se servant de différentes matières comme la terre blanche, la feuille d’or ou encore le vieux bois et en misant sur la technique de la double cuisson pour obtenir un beau mélange entre les temps passés et modernes et pour rendre hommage à la femme à travers ces trois portraits de déesses.
De sa part, la jeune doctorante en esthétiques et pratiques des arts visuels Oumayma Ben Hamza participe à cette exposition avec six œuvres en utilisant la peinture acrylique et le fil pour nous plonger dans son univers onirique et aquatique où se côtoient une multitude de personnages du monde végétal, animal et humain.
Avec cinq œuvres, Awatef Mansour qui enseigne à la Faculté de la Manouba, a choisi d’aborder des thèmes très actuels, à savoir le Coronavirus avec trois œuvres en terre cuite et clous de fer, et un ensemble de sept pièces en céramique réalisé avec la technique du Raku-nu et intitulé « Les battantes » pour rendre hommage aux femmes agricoles tunisiennes.
Le seul homme de l’exposition Amir Chelly, doctorant en sciences et techniques des arts à l’Institut supérieur des Beaux arts de Sousse, participe avec une série de cinq sculptures aux couleurs florissantes et à l’univers à la fois mystique et surréaliste. Ses œuvres sont sous forme de créatures enfantines représentatives de ses pratiques artistiques « où le corps est parfois déformé, altéré et manipulé », explique le jeune artiste.
Oumaima Ben Hamza Awatif Mansour Amir Chelly
Au milieu de toutes ces œuvres plastiques, le public peut également découvrir une installation vidéo en trois parties signée l’artiste plasticienne et vidéaste Narjes Challouf autour du thème de l’immigration clandestine, le rêve d’une autre vie et la désillusion en se servant de la technique de l’œil de poisson.
L’espace Aïn est ouvert tous les jours à partir de 16h pour découvrir cette exposition qui mérite le détour.
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