L’Etat, en Tunisie, est fortement centralisé et pèse lourdement sur l’ensemble des activités dans le pays. Le problème c’est que le contrôle bureaucratique et le pouvoir excessif accordé à l’administration publique en matière d’attribution des licences, des autorisations, des marchés ou des dérogations douanières constitue un obstacle à l’émergence de nouveaux acteurs économiques et à l’attraction de nouveaux investissements.
Par Amine Ben Gamra *
Le décret 218-417, publié il y a trois ans, est, avec ses 221 pages, le plus long texte juridique de l’histoire de la Tunisie. Son objectif, qu’il a complètement raté, était d’améliorer l’environnement des affaires. Il énumère 243 licences et autorisations, dont seulement 6 ont été annulées dans les deux ans ayant succédé à sa publication.
Les investisseurs freinés par les fonctionnaires
Les entrepreneurs privés sont étouffés par l’interminable liste de permis qu’ils sont obligés de solliciter auprès de fonctionnaires souvent mal équipés pour comprendre, et encore moins pour juger de ce dont une entreprise privée a besoin. Tout cela consomme du temps et de l’argent que le secteur privé, opérant dans un environnement international très concurrentiel, ne peut pas se payer, au risque d’accroître ses coûts de revient. En d’autres termes, le système actuel paralyse les meilleures volontés, étouffe l’innovation et freine la croissance.
Ce système est également l’une des sources de la corruption qui est très développée en Tunisie. Le système de sécurité sociale, quant à lui, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ne protège pas les plus pauvres mais profite largement aux mieux nantis, aggravant ainsi les inégalités et les tensions sociales.
Le secteur public, talon d’Achille d’une économie anémiée
Pour ne rien arranger, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), censée réformer les législations en vue de réduire ces inégalités, est devenue un véritable souk où l’argent circule plus facilement que les textes de réformes, s’il n’oriente pas celles-ci dans le sens de la défense des intérêts de certains groupes d’intérêt. Résultat, aucun gouvernement, depuis la chute de Ben Ali en 2011, n’a été en mesure de concevoir et de faire adopter des réformes majeures à même de relancer une économie à bout de souffle. Aussi, loin d’être réformé en vue d’une plus grande efficacité, le secteur public s’est transformé, au fil des ans, en vampire suçant le sang d’une économie tunisienne déjà fortement anémiée.
Aussi ne le dit-on jamais assez, au risque de se répéter tout le temps, tant qu’on n’a pas assoupli les barrières administratives devant les opérateurs économiques, il n’y aura pas de retour de la croissance dans notre pays; or, cette croissance est nécessaire pour l’amélioration de l’état des finances publiques et l’arrêt de la fuite en avant dans l’endettement extérieur.
Les barrières administratives doivent tomber rapidement pour mieux baliser la voie devant les investisseurs extérieurs, notamment ceux de l’Union européenne, zone représentant les deux tiers des échanges extérieurs de la Tunisie, et où le retour de la croissance est annoncé pour les mois à venir. Notre pays doit faire vite et se préparer pour être en mesure de les attirer et de les accueillir le jour où ils seront à la recherche de sites d’implantation pour leurs nouvelles activités.
* Expert-comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie.
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