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Tunisie : des réformes économiques plus faciles à dire qu’à faire

Ali Kooli, Marouane El-Abassi et Hichem Mechichi : le trio de l’impuissance et du faux-semblant.

En matière de réformes économiques, nous assistons tous, en Tunisie, gouvernement, bailleurs de fonds, acteurs sociaux, experts, médias, etc., à un théâtre d’ombres où chacun joue un rôle auquel il est le dernier à croire.

Par Amine Ben Gamra *

Les Premiers ministres tunisiens successifs passent par la même case, celle de la motion de présentation des réformes qu’ils prétendent vouloir mettre en œuvre en vue de stopper le déclin continu de l’économie du pays. Ils pensent que les hauts responsables du Fonds monétaire international (FMI) les croient sur parole ou qu’ils vont prendre leurs faux arguments pour argent comptant.

En vérité, on doute bien que ces derniers se soient laissés convaincre ou que les hauts responsables tunisiens, qui se sont rendus début mai à Washington, au siège du FMI, aient eux-mêmes cru un seul mot du rapport que le chef du gouvernement Hichem Mechichi les a chargés de défendre.

Pour quelques dollars de plus

Pour revenir au plan de réformes que le ministre des Finances Ali Kooli et le gouverneur de la Banque centrale, Marouane El-Abassi, ont défendu à Washington, dans l’espoir d’obtenir l’approbation d’un nouveau prêt de 4 milliards de dollars sur trois ans (encore un!), nous constatons que nulle part dans ce document il n’y a une réflexion stratégique ou une approche prospective visant à relancer une économie très malade. Il n’y a nulle part d’indication des politiques détaillées nécessaires pour atteindre les objectifs nobles mais vagues que le gouvernement prétend poursuivre. Il n’y a aucun calendrier d’aucune sorte dans le document, qui se lit comme une liste de bonnes intentions tirées d’un traité de bonnes pratiques économiques.

La caractéristique la plus frappante de ce document de 26 pages préparé par les «autorités tunisiennes sur les réformes à mettre en œuvre avec le nouveau programme du FMI» est l’absence totale de prévision économique. Certes, il suggère de remplacer, d’ici 2024, les subventions pour les produits de base par une aide directe servie aux familles les plus pauvres; la réduction des effectifs du secteur public qui, selon le gouvernement, a grossi pendant la pandémie en raison des embauches dans le secteur de la santé, alors qu’il sait très bien que le recrutement de nouveaux fonctionnaires a tout à voir avec la promotion des partis politiques au pouvoir, qu’il a commencé en 2011 et qu’il n’a rien à voir avec ladite pandémie; limiter la part de la masse salariale dans le secteur public à environ 15% du PIB en 2022 contre 17,4% en 2020.

Que de vœux pieux, en somme, que ces chers hauts responsables mesurent mieux que tout autre leur incapacité à mettre en œuvre ! Et pour cause, leurs prédécesseurs aux mêmes postes s’y sont essayés et leurs efforts ont tous été couronnés d’échec.

Toutes les idées proposées pour parvenir aux résultats escomptés, tels que le travail à temps partiel ou la retraite anticipée que le gouvernement prétend vouloir mettre en œuvre ont peu de chance d’être mises en œuvre et encore moins de réussir.

Un énorme gâchis que personne n’est en mesure d’arrêter

Le chef de gouvernement n’a tout simplement pas le courage politique de réduire le nombre exagéré de fonctionnaires, y compris des dizaines (sinon les centaines) de milliers d’employés fantômes, et encore moins de demander à l’énorme bureaucratie, dont il est lui-même l’incarnation sinon la caricature, d’accepter une réduction de salaire pendant environ un an pour espérer dégager les fonds nécessaires pour venir en aide aux pauvres qui ont faim et dont le nombre ne cesse de croître.

Par ailleurs, et malgré sa volonté sur-affichée de discuter des réformes proposées, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ne permettra jamais leur mise en œuvre et ne ménagera aucun effort pour faire capoter toute mesure qui soit en contradiction avec sa revendication de toujours : des augmentations de salaires tous les ans. Ou presque.

Bref, tout cela pour dire qu’en matière de réformes, nous assistons tous, gouvernement, bailleurs de fonds, acteurs sociaux, experts, médias, etc., à un théâtre d’ombres où chacun joue un rôle auquel il est le dernier à croire.

* Expert-comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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