Un séminaire sur le thème : «Croisons nos regards sur la laïcité» se tiendra le samedi 26 juin 2021 sous un format hybride, en présentiel à l’auditorium de l’Institut français de Tunis (IFT) et en distanciel via la plateforme zoom avec ce lien de connexion.
Le séminaire est co-organisé par Solidarité Laïque Tunisie/Méditerranée, l’association Lam Echaml, l’Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC), la Ligue tunisienne de l’éducation (LTE), Article 19, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), l’Association citoyenneté et liberté Djerba (ACL), Mawjoudin-We Exist, Beity, ADO+, Ligue des droits de l’homme (LDH), Ligue de l’Enseignement, Solidarité Internationale LGBTQI+ (SIL), avec le soutien de l’IFT.
La constitution tunisienne de 2014, dans son Article 6 déclare que «l’État protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l’exploitation partisane. L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage également à prohiber et empêcher les accusations d’apostasie, ainsi que l’incitation à la haine et à la violence et à les juguler».
Cet article qui consacre la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes s’inscrit dans l’histoire constitutionnelle moderne de la Tunisie, puisque le 10 septembre 1857, le Pacte fondamental tunisien stipule dans son Article premier qu’«une complète sécurité est garantie formellement à tous nos sujets, à tous les habitants de nos États, quelles que soient leur religion, leur nationalité et leur race. Cette sécurité s’étendra à leur personne respectée, à leurs biens sacrés et à leur réputation honorée. Cette sécurité ne subira d’exceptions que dans les cas légaux dont la connaissance sera dévolue aux tribunaux ; la cause nous sera ensuite soumise, et il nous appartiendra soit d’ordonner l’exécution de la sentence, soit de commuer la peine, soit de prescrire une nouvelle instruction».
Ce document qui voulait protéger les droits des minorités religieuses (judaïsme et christianisme) a d’abord été soutenu par la promulgation de la Constitution du 26 avril 1861, qui reconnaissait la liberté comme principe (chapitre 86). Ensuite, il y eut la première Constitution tunisienne promulguée le 1er juin 1959, qui dans son cinquième Article déclare : «La République tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne humaine et la liberté de culte, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu’il ne trouble pas l’ordre public».
Enfin, la Constitution de la Deuxième République (promulguée le 27 janvier 2014) continue avec cette tradition constitutionnelle, avec un ajout majeur dans l’histoire des libertés en Tunisie : la promulgation de la liberté de conscience. Néanmoins, dans la Constitution tunisienne de 2014, plusieurs articles font référence à la question de la religion et de la liberté de conscience, sans pour autant apporter une réponse explicite quant à la place de la religion dans l’ordre politico-juridique tunisien.
L’article 1er de la Constitution qui déclare que la Tunisie est un Etat dont la «religion est l’islam», ainsi que l’article 6 qui d’un côté «garantit la liberté de croyance» et d’un autre côté «s’engage à protéger le sacré», permettent différentes interprétations dont les plus radicales.
S’il existe bien un consensus sur la souveraineté du peuple et que la hiérarchie des sources du droit est clarifiée, si on admet que la Tunisie n’est pas un Etat musulman mais que l’Islam y est simplement une religion d’Etat, que les libertés de conscience et de culte y sont effectivement garanties, quelles seraient les raisons militant pour instaurer un principe de neutralité religieuse ou de laïcité? Dix ans après la révolution du 17 décembre-14 janvier, force est de constater le recul, voire le désenchantement intellectuel du courant moderniste et réformateur face à la pression de l’islam politique.
Ce courant moderniste a pourtant essayé d’ouvrir le débat, en 2011, autour de la laïcité : des manifestations ont même vu le jour autour de cette revendication, mais le désenchantement fut rapide face à ce courant fondamentaliste islamiste ne reconnaissant pas à la politique un rôle indépendant de la religion dans la gestion des affaires de l’Etat.
Dix ans après la révolution du 17 décembre-14 janvier, dans une société en crise dévastée par l’économie informelle, l’aggravation des inégalités et la désagrégation du lien social, la crise de confiance dans les institutions, l’angoisse liée à l’actuelle crise politique et l’opacité qu’elle entraîne quant au lendemain, il est vain de nier la récalcitrance, face à des revendications modernistes et universelles telle que la laïcité, car exploiter la question identitaire ou religieuse par certains courants, en attisant la peur d’une dictature laïque» qui annihile la liberté de culte, permet de détourner l’attention quant aux véritables problèmes fondamentaux de la société. Dix ans après la révolution du 17 décembre-14 janvier, n’est-il pas temps de mener un débat serein autour de la laïcité car sans un système fondé sur la sécularité des institutions et des législations, peut-on parler de démocratie qui ne soit pas une dictature de la majorité et qui veille à protéger les droits fondamentaux ?
Ce premier séminaire représente une occasion pour mener ce débat constructif autour de la laïcité, avec un regard croisé autour des expériences des pays en vue d’approfondir la réflexion et engager des actions conjointes renforçant la protection des droits et des libertés. La laïcité est plus que jamais importante pour renforce le vivre-ensemble, la démocratie et la paix.
On annonce la participation de Alain Canonne, délégué général de Solidarité Laïque; Sophie Renaud, conseillère de coopération et d’action culturelle, directrice de l’Institut français de Tunisie; Salwa Hamrouni, de l’Association tunisienne de droit, Moncef Ben Slimane, de l’association Lam Echaml; M’hamed Ali Halouani, docteur en philosophie et militant des droits humains; Asma Nouira, maître de conférences en sciences politiques et directrice du département des sciences politiques à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Hela Nafti, vice-présidente Solidarité Laïque Tunisie/Méditerranée; Michel Miaille, de la Ligue de l’enseignement ; Joseph Tomé, militant libanais des droits humains et partenaire de Solidarité Laïque; Youssef Raissouni, de l’Association marocaine des droits de l’Homme; Nadia Aït-Zaï, militante féministe algérienne ; Ghada Hadhbaoui, référente droits et libertés à Solidarité Laïque; Marie Christine Vergiat, de la Ligue des droits de l’Homme ; Abdelkarim Ettounsi, de association Citoyenneté et Libertés Djerba; Walid Larbi, de l’association Beity; Khawla Bouaziz, Mawjoudin We Exist; Imen Ladjimi, Article 19; Carole Coupez, déléguée générale adjointe de Solidarité Laïque ; Lassaad Arfaoui, directeur Solidarité Laïque Tunisie/Méditerranée.
Au programme aussi un hommage à Salah Zghidi, militant des droits humains et défenseur de la laïcité.
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