De nombreuses parties (députés, médias, associations de la société civile) adressent actuellement des critiques à la diplomatie tunisienne, lui reprochant de n’avoir pas déployé suffisamment d’efforts dans le combat de la Tunisie contre le Covid 19 et pour l’ aider à acquérir les vaccins anti-covid. Il y a, en effet, beaucoup à faire dans ce domaine et notre diplomatie doit se doter des moyens pour agir dans ce domaine. Et rapidement. Car la situation pandémique dans le pays n’attend plus.
Par Raouf Chatty *
Les instructions données par le président de la République aux membres du corps diplomatique national pour redoubler d’efforts à ce sujet, lors de la réunion tenue au Palais de Carthage, le 4 juillet 2021, consacrée à la pandémie, étaient perçues par ces milieux comme un vigoureux rappel à l’ordre au ministère des Affaires étrangères, au moment où la pandémie bat son plein dans le pays, avec un bilan extrêmement lourd : plus de 15 600 décès…
Depuis l’apparition de la pandémie en Tunisie, les missions diplomatiques tunisiennes, conformément aux instructions du ministre des Affaires étrangères, et notamment celles accréditées dans les pays développés, asiatiques et du Golfe, ont de toute évidence fait le lobbying nécessaire auprès des autorités de ces pays pour qu’ils viennent en aide à la Tunisie. Néanmoins, les démarches de plusieurs parmi elles n’avaient pas abouti aux résultats escomptés.
Se positionner dans la course mondiale aux vaccins
Cette malencontreuse situation n’est pas étrangère à l’ambiance délétère et à l’image très déprimée que la Tunisie donne aujourd’hui au monde, outre ses difficultés financières et son incapacité actuelle de payer au prix fort les vaccins. Ceux-ci sont aujourd’hui sollicités par beaucoup de pays prêts à les payer très cher. Chaque pays se soucie en priorité de la santé de son propre peuple dans cette course mondiale aux vaccins.
Selon les informations disponibles, des aides sanitaires auraient été fournies à la Tunisie par certains pays : la Chine, les Émirats arabes unis, le Qatar… La liste n’est malheureusement pas très fournie. Elle est très en deçà des beaux discours des autorités sur les «amis de la Tunisie» et «la place de choix de la jeune démocratie tunisienne dans le monde»…
Aujourd’hui, il faut revenir aux évidences : les États n’ont pas d’amis, mais des intérêts. Il faut donc parer au plus pressé pour arrêter les dégâts et sauver le maximum de vie face à l’avancée extrêmement rapide de la pandémie dans notre pays et ne pas se contenter d’attendre Godot…
Toutefois, les pays occidentaux, qui n’ont eu de cesse de saluer l’entrée de la Tunisie dans le «club des pays démocratiques», ont l’obligation morale de lui venir aujourd’hui en aide par ces temps extrêmement difficiles.
On n’est jamais mieux servi que par soi-même
Le président de la République pourrait dépêcher très vite des représentants spéciaux dans les grands pays et auprès des grandes organisations internationales, Union européenne en tête, pour les convaincre de venir en aide à la Tunisie. Il pourrait commencer par ces pays : Allemagne, France, pays Scandinaves, Canada, Chine, Japon, Corée du Sud et pays du Golfe.
Le ministre des Affaires étrangères pourrait organiser une grande réunion avec les ambassadeurs des pays développés sur le même sujet et la société civile s’adresser à ses interlocuteurs en Occident…
Ces pays savent que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la Tunisie en tête au top des pays africains en nombre de malades décédés des suites du Covid 19, proportionnellement au nombre des habitants.
Il faut se rendre enfin à l’évidence que désormais la diplomatie sanitaire sera un vecteur majeur dans les relations internationales et qu’il faudra donc adapter notre logiciel en conséquence, en ayant à l’esprit le fait que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. D’où l’urgence de savoir être effectivement présent sur la scène internationale, mieux faire entendre notre voix et défendre nos intérêts…
* Ancien ambassadeur.
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