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Tunisie – Covid 19: L’État doit interdire cette année les rites de l’Aid El-Kébir

Combien de morts du Covid-19 va-t-on encore enterrer ?

Il n’est d’État s’il n’ait le pouvoir d’évaluer, de peser et de prendre les décisions appropriées au moment opportun dans l’intérêt général du peuple. Est-ce le cas aujourd’hui de l’Etat tunisien? On est en droit d’en douter, surtout si l’on en juge par sa gestion, jusque-là catastrophique, de la pandémie de Covid-19.

Par Raouf Chatty *

La Tunisie est aujourd’hui laminée par la pandémie du Covid-19, qui a fait à ce jour environ 16 500 morts, un bilan dramatique compte tenu de la démographie de notre pays… que la mémoire collective n’oubliera pas de sitôt. Ce drame sanitaire a une connotation politique majeure et les dirigeants, à tous les niveaux, doivent admettre et assumer leur responsabilité dans sa survenue, d’autant qu’il ne manquera pas d’avoir des conséquences politiques.

L’Etat n’a pas aujourd’hui le droit de tergiverser. Il doit anticiper et éviter de commette les fautes graves comme il en a déjà commises avec des décisions tardives et des demi mesures qui ont coûté très cher aux Tunisiens en vies, ressources économiques et image très détériorée à l’étranger.

Un Etat mal gouverné, asthénique, déprimé voire failli

La non-acquisition des vaccins en temps opportun et le laxisme montré à l’égard des citoyens indisciplinés face à la pandémie ont eu des conséquences très graves, qu’on n’a pas fini de subir.

Aujourd’hui, aux yeux du monde, la Tunisie est un Etat mal gouverné, asthénique, déprimé voire failli. Et cette image va nous coller longtemps à la peau. Le monde prend désormais la Tunisie en pitié et déplore ses malheurs. Plusieurs pays lui viennent en aide pour soulager un tant soit peu ses souffrances…

Instruits de ses échecs, l’Etat, pris en otage par les islamistes, doit aujourd’hui se rendre à l’évidence et suspendre illico presto les festivités de l’Aid El-Kébir. Ne pas le faire serait carrément suicidaire et ingrat vis-à-vis des pays frères et amis qui nous ont aidés.

Cette suspension serait, certes, une première qui va certainement heurter beaucoup de gens dans le pays, notamment les fidèles, mais c’est le contexte épidémiologique très grave qui la rend impérative.

Les fidèles doivent comprendre les nobles messages de l’islam. Et notamment ceux véhiculés par cette fête. Car, à travers le sacrifice du mouton, le Tout Puissant a voulu préserver la vie humaine, car elle est la valeur la plus sacrée. Elle est consacrée par les religions ainsi que par les constitutions du monde entier.

Les responsables politiques peuvent puiser dans le Coran, le corpus de la tradition islamique et les interprétations des oulémas les justifications logiques d’une telle décision pour convaincre les gens de la nécessité de surseoir cette année à la pratique de ce rite.

Au cas ou les pouvoirs publics ne prennent pas cette décision des maintenant, ils seront responsables de la mort de dizaines de gens dans un contexte marqué par le quasi effondrement du système de santé publique, comme l’a affirmé depuis quelques jours la Professeure Insaf Ben Alaya, porte parole du ministère de la Santé.

Eviter que l’Aid El-Kébir donne lieu à une hécatombe… humaine

Tous les Tunisiens, qu’ils soient des responsables du secteur public, des professionnels de la santé, des acteurs de la société civile ou de simples citoyens connaissent cette vérité pour en avoir eu eux-mêmes la confirmation en visitant les hôpitaux publics, même si le ministère de la Santé a cru devoir se fendre d’un communiqué démentant les propos de… sa porte-parole.

En prenant la décision de suspendre cette année à titre exceptionnel les rites liés à la célébration de l’Aid El-Kébir, l’Etat sauvera des centaines de vies humaines. Aucune autre considération, fut-elle religieuse, ne devra peser devant cette exigence de bonne gouvernance. Car un gouvernement doit œuvrer pour alléger les souffrances de la population et non l’aggraver par des décisions irresponsables. Il doit aussi tenir compte de l’état d’épuisement de tous les professionnels de santé, qui ont payé le plus lourd tribut à cette pandémie.

Bref, il y a urgence. L’Etat doit se comporter sans états d’âme et, surtout, sans calculs politiciens ou considérations populistes. Et ce pour l’intérêt de tout un peuple, même si une partie de ce peuple ne semble pas vraiment savoir où réside son intérêt.

* Ancien ambassadeur.

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