Alors que le coup de force constitutionnel du 25 juillet 2021 lui en donne les moyens, le président Kaïs Saïed ne doit pas perdre de vue la nécessité d’opérer des réformes économiques rapides pour relancer la croissance et l’investissement. Nous n’avons plus de temps à perdre. Car, au sortir d’une décennie de très faible croissance, qui l’a déstabilisée sur les plans économique et social, la Tunisie est tenue de se mettre rapidement en ordre de marche. Sinon, elle risque d’être bientôt complètement marginalisée par rapport aux flux des échanges mondiaux, qui plus est, dans la zone euro-méditerranéenne qui représente les deux tiers de ses échanges extérieurs.
Par Amine Ben Gamra *
Actuellement, le chômage des jeunes en Tunisie s’élève à 35,% et celui des diplômés universitaires à 30,1%. Entre un tiers et la moitié de l’activité économique est informelle, échappant ainsi à l’impôt, tandis que la bureaucratie produit encore plus de formulaires à remplir qu’elle ne supprime d’autorisations et de licences pour s’adonner à certaines activités, ce qui alimente la corruption.
Loin de faiblir au lendemain de la chute de l’ancien régime, la corruption s’est plutôt développée après 2011, alors que, paradoxalement, le système de sécurité sociale ne protège plus vraiment les plus pauvres, mais profite plus largement aux plus nantis, aggravant ainsi les inégalités et les tensions sociales.
Obstacles à l’émergence de nouveaux acteurs économiques
Pour ne rien arranger, et malgré l’affirmation solennelle, dans le texte de la Constitution, de l’exigence de la décentralisation et du renforcement des pouvoirs des collectivités locales, l’Etat reste fortement centralisé et pèse lourdement sur l’ensemble de l’activité économique. Le contrôle bureaucratique et l’octroi à l’administration publique du pouvoir d’accorder des licences, des autorisations, des facilités ou une dérogation douanière constituent autant d’obstacles à l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux investissements.
Les entrepreneurs privés sont étouffés par l’interminable liste de permis qu’ils doivent solliciter auprès de fonctionnaires souvent mal équipés pour comprendre, et encore moins pour juger de ce dont une entreprise privée a besoin. Tout cela consomme du temps que le secteur privé, opérant dans un environnement international de plus en plus concurrentiel, ne peut plus dilapider. Dire que le système actuel décourage l’initiative, étouffe l’innovation et freine la croissance est un euphémisme.
Le décret 218-417 publié il y a trois ans, avec ses 221 pages, est le plus long texte juridique de l’histoire du pays. Son objectif, qu’il a échoué jusque-là à atteindre, était d’améliorer l’environnement des affaires. Il énumère 243 licences et autorisations devant être délivrées pour exercer telle ou telle activité, dont seulement six ont été supprimées dans les deux ans ayant suivi la publication dudit décret.
L’amélioration du climat des affaires est une priorité
La décision audacieuse du président de la république Kaïes Saïed, le 25 juillet 2021, de limoger le chef du gouvernement et de geler le parlement, aurait sans doute d’autant plus de sens qu’elle lui permettra de prendre de bonnes décisions pour améliorer le climat des affaires sans devoir passer par les lourdes machines de la fonction publique et de l’instance législative, et ce en assouplissant les barrières administratives dont se plaignent les investisseurs, surtout que, après deux années de récession mondiale, le retour de la croissance est devenu une réalité dans l’Union européenne, qui représente les deux tiers des échanges extérieurs de la Tunisie.
Le temps presse et notre pays, au sortir d’une décennie de très faible croissance, qui l’a déstabilisé sur les plans économique et social, est tenu de se mettre rapidement en ordre de marche. Sinon, il risque d’être bientôt complètement marginalisé par rapport aux flux des échanges mondiaux, qui plus est, dans sa propre zone vitale.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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