La déclaration de Rached Ghannouchi, l’inamovible président du parti Ennahdha, jeudi 9 décembre 2021, à propos de la mort de Sami Essifi, 51 ans, l’un des militants de son parti, qui venait de s’immoler par le feu au siège même du Mouvement islamiste tunisien, en signe de protestation contre sa marginalisation par ses «Frères musulmans», n’a pas fini de révolter et de choquer les activistes et les analystes politiques de tous bords, dont l’universitaire Adel Ltifi, qui a publié hier le post suivant sur sa page Facebook où il qualifie le vieux caméléon de «désastre».
Par Imed Bahri
«J’ai écouté la déclaration de Rached Ghannouchi sur le drame de la jeune victime tombée dans l’antre même de Monplaisir (quartier de Tunis où se trouve le siège d’Ennahdha, Ndlr)… En fait, nous sommes devant une personne qui ne se soucie guère des gens et de leur dignité, qu’ils soient morts ou vivants, même s’ils sont au service de son organisation et à son propre service… Tout ce qui compte pour lui, c’est d’utiliser la vie comme la mort des gens pour son profit personnel. Il emploie éhontément la tragédie quelques instants seulement après sa survenue au profit de son groupe politique et pour attaquer ses opposants…», écrit Adel Ltifi dans son post, et d’ajouter, en forçant à peine le trait : «Rached Ghannouchi trouve à juste titre sa place dans la liste des plus grands désastres que la Tunisie ait connu à l’époque contemporaine, à côté de la colonisation, des épidémies, de la pauvreté, du terrorisme et des assassinats (politiques, Ndlr)».
Une démocratie d’opérette faite de mensonges, de faux semblants et de trafics de toutes sortes
Adel Ltifi aurait bien pu ajouter à l’appui de son affirmation, comme autant de preuves des catastrophes que cet homme a provoqué en Tunisie depuis la création, sous sa férule, dans les années 1970, du Mouvement de tendance islamique (MTI), baptisé Mouvement Ennahdha à partir de 1988, les attentats terroristes dans des hôtels de Sousse et Monastir, en 1987, qui ont fait plusieurs blessés parmi des touristes européens, ou encore l’attaque terroriste contre le local du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à Bab Souika, au cœur de Tunis, en 1991, auquel était lié la victime d’hier, Sami Essifi, qui avait alors 17 ans et qui écopa pour cette affaire 10 ans de prison.
En rentrant à Tunis, en mars 2011, après la chute du régime de Ben Ali, Rached Ghannouchi avait déclaré qu’il mettait fin à ses activités politiques et qu’il rentrait en Tunisie, après un exil doré à Londres qui a duré une vingtaine d’années, pour passer ses derniers jours dans son pays natal. Mais, il n’a pas tardé de faire volte-face, prenant goût aux manigances, aux manœuvres et aux complots de toutes sortes que la démocratie naissante lui permettait de pratiquer en toute légalité.
C’est ainsi que son parti, dont il ne lâchera jamais la présidence, a utilisé l’argent sale et les milliers d’associations caritatives ayant poussé dans tous les coins de la république, a accédé au pouvoir, placé ses pions dans tous les rouages de l’Etat, racketté les hommes d’affaires liés à l’ancien régime et imposé, à défaut d’un Etat islamique dont lui et ses partisans rêvaient au départ, un régime taillé à sa mesure, où il détenait tous les leviers du pouvoir (politiques, économiques et sociaux), tout en utilisant des marionnettes issus d’autres partis soi-disant libéraux, modernistes et progressistes.
Grâce à ce subterfuge, il parvint à tromper tout le monde, d’abord les Tunisiens qui n’y ont vu que du feu, les partenaires occidentaux de la Tunisie qui s’étaient contentés de cette cette sorte de démocratie d’opérette faite de mensonges, de faux semblants et de trafics de toutes sortes, où les dirigeants d’Ennahdha dominaient tout sans être responsables de rien.
La pire calamité que l’humanité ait connu
Le résultat de cette mascarade, on n’a pas tardé à le constater: non seulement la Tunisie a été transformée en une passoire pour les groupes terroristes, les barons de la contrebande, de la criminalité internationale et de l’émigration clandestine, mais elle est aujourd’hui un pays quasi-failli, en tout cas au bord de la banqueroute. Jugeons-en: le chômage qui était de 13,9% en 2010, est passé, dix ans après, à près de 19%; l’endettement de l’Etat est passé, au cours de la même période, de 35% à plus de 100% du PIB; et la masse salariale de la fonction publique, qui emploie plus 700 000 salariés contre 350 000 en 2010, bouffe la plus grosse part du budget de l’Etat, ne laissant rien à l’investissement et à l’amélioration des services publics qui tombent en désuétude, voire en ruine. La crise environnementale illustrée par les amoncellements des ordures non ramassées dans les zones urbaines – faute de décharges en nombre suffisant – est la preuve la plus éloquente d’une décadence totale que la démocratie islamiste promue par Rached Ghannouchi incarne désormais aux yeux d’une majorité de Tunisiens.
Tout cela pour dire que l’affirmation de Adel Ltifi selon laquelle «Rached Ghannouchi trouve sa place dans la liste des plus grands désastres que la Tunisie ait connu à l’époque contemporaine, à côté de la colonisation, des épidémies, de la pauvreté, du terrorisme et des assassinats politiques» n’est nullement exagéré et qu’elle est, finalement, en-deçà de la réalité : cette homme est pire que la peste, le choléra, le coronavirus et toutes les autres calamités que l’humanité ait connu réunies.
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