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Le poème du dimanche : «Rime de la lettre k» d’Abou Al-Hassan Ali Al-Housri

Grande voix de la poésie classique arabe, Abou Al-Hassan Ali Al-Housri était célèbre pour ses panégyriques et ses poèmes d’amour, comme « Ya laylu assabbu » (O nuit d’amour !). Mais outre sa poésie d’amour, il était un grand poète de l’élégie…

Né vers 1029 à Kairouan, Al-Housri devint non-voyant dès sa prime enfance. Grand érudit, il apprit la théologie, la langue et la littérature arabo-musulmanes. Suite à l’invasion hilalienne (1050-1070) et le saccage de Kairouan, il prend le chemin de l’exil, comme beaucoup d’autres, d’abord vers Sebta / Ceuta, puis vers l’Andalousie, où il fut convoité par les roitelets, muluks at-tawaif comme, Al-‘Amiri, Al-Muqtadir ou Ibn Samadeh, etc. 

Al-Housri était devenu célèbre par ses panégyriques et ses poèmes d’amour, comme « Ya laylu assabbu » (O nuit d’amour !). Mais outre sa poésie d’amour, il était un grand poète de l’élégie où il pleura, dans des poèmes déchirants, la perte de son fils, Abdelghani, comme il pleura avec grande nostalgie, sa ville natale, Kairouan.

Les conflits et les guerres, interminables entre les roitelets, finirent par le faire exiler à Tanger, où il mourut en 1106.

Sa poésie est d’une grande maîtrise de l’art métrique arabe. Il organisa un premier recueil, « Al-Mu’achcharât » (Les dizains), en des poèmes écrits en dix vers, selon l’ordre de l’alphabet arabe. Le poème commence par une lettre, la même, est utilisée comme rime. En cela, Al Housri fut innovateur et pionnier. Un deuxième recueil, « Ijtirah al-Jarih », composé de 2600 vers, avec un petit recueil additif, où les poèmes sont composés de quinze vers.

Cf. l’ouvrage fort précieux, en deux volumes (en arabe) : Ali Al-Housri par Jilani Ben El Haj Yahia et Mohamed Marzougui, MTE, 1974.

Tahar Bekri

Rime de la lettre k (poème XXII)

Assez de tristesse de n’avoir point d’ami

Seul je suis sans vie qui réjouisse ni piété

Je suis comme l’or que le temps croit factice

Et jette au feu pour qu’à la fonte il devienne pur

J’ai haï ma vie et apprécié ma mort

Si je ris, mes yeux pleurent de sang

J’ai grandi dans la complainte du temps et de ses hommes

D’un temps traître que je ne peux quitter !

J’aurais renié la religion de l’amour si les regards

De l’être frêle ne décidèrent ma perte

Avec mes larmes je lui écrivis une lettre

Sans doute répondit-il tu es le défunt

En toi, j’ai découvert mon masque faon du désert

Avant tes regards je n’acceptais guère de périr

De même que la gazelle sauvage gambade dans le désert

Gazelle de douce compagnie tu croîs dans le bien-être

Perfection désirée par les pleines lunes certaines

Que tu si étais ajusté tu serais le centre du collier

Ta parole est de perle de même ta bouche

De vin est ta salive de musc ta senteur

Al-Mu’achcharât (Les dizains)

Rime de la lettre ‘ayn (élégie XX)

La tombe qui t’enserre mes pleurs l’ont irriguée

Ah si elle pouvait nous réunir ensemble !

J’ai vécu mais si j’étais mort quand il partit

Mieux eût fait de moi la patience

Ma vie il me faut l’endurer

Je ne peux mourir avant sa durée

Je suis étonné dans ce malheur

De celui qui en est atteint et a peur

Les malheurs du temps sont peu de choses

Sauf l’éloignement de l’aimé et s’y soumettre

J’ai de ce temps ce qui me suffit

Je ne peux le repousser et me satisfaire

Abdelghani mon fils je me sacrifie

Pour toi si j’ai pour cela pouvoir

Tu m’as appris comment pleurer

Alors que je ne fournissais de larmes

J’ai excusé celui à qui je reprochais les pleurs

Depuis que tu m’as fait pleurer de sang

Les gens me consolèrent puis dirent

Qu’a-t-il le lion vaillant si apeuré

Mes demeures tombèrent en ruines tu y étais ma

Compagnie comme elles sont devenues lugubres

Le temps les a détruites quand il les embellissait

Elles pleurent maintenant le printemps

Peut-être que le Clément et le Miséricordieux

Me pardonne t-Il si tu intercédais

Tu as mon salut combien sera l’absence

Te souviendras-tu du retour

Reviens et demande à Dieu de saisir mon âme

Afin que la rencontre soit rapide

Ijtirah al-Jarih

Trad. de l’arabe par Tahar Bekri

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