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Une approche «non-occidentale» de la guerre en Ukraine

Cicéron, illustre orateur de la Rome antique, dit : «Quand les armes parlent, les lois se taisent». Et cette citation éclaire ces réflexions juridiques sur les causes et les effets de la guerre en cours en Ukraine. Il s’agit de montrer que le vote du 2 mars 2022 au Conseil de sécurité, relatif à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a discrédité davantage les Nations Unies et l’Occident que… la Russie.

Par Kilani Bennasr *

La carte du vote de la résolution de l’Onu, le 2 mars 2022, parle d’elle-même. Sans chercher à savoir les raisons de l’absence de plusieurs pays, en gris, les deux couleurs jaune et rouge sont significatives; elles représentent au moins 60% de la surface de la terre qu’occupent les pays ayant voté contre la résolution ou ont choisi l’abstention au vote. Ces deux choix expriment le désaccord de ces pays avec la résolution.

L’Onu, un instrument aux mains des grandes puissances

Sur cette carte, est écrit en haut : «la Russie doit cesser immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine»; les voix des pays en désaccord avec la résolution disent tout bas: «L’Otan doit cesser de mettre la pression sur l’Onu et sur les petits pays membres».

Ces derniers temps les événements se précipitent et il est possible que de nouvelles organisations remplacent les Nations Unies et son Conseil de Sécurité.

Des ONG sont créées sur mesure de l’Otan et des grandes puissances, afin d’étouffer le droit international, d’agresser les petits pays ou de les menacer et rester les maîtres du monde.

D’ailleurs, le Conseil de Sécurité, sa structure et son fonctionnement faisaient, depuis un certain temps, l’objet de critiques de divers ordres. Plusieurs réflexions exprimées en Occident même insistent sur la nécessité de le réformer.

Pour faire la part des choses, voyons ce que disent les textes qui régissent les conflits internationaux.

Le droit international des conflits armés ne s’oppose pas du tout à la guerre en soi, mais protège avec rigueur la population civile et les prisonniers de guerres et interdit les armes de nature à frapper sans discrimination et aussi celles de destruction massive.

Sur le terrain et selon certains témoignages de civils, de photos et de vidéos, les forces russes, bien qu’elles soient dans la position des agresseurs, seraient en train d’observer les règles de droit de la guerre envers les Ukrainiens, et ce malgré les provocations. Par contre, on est en train de passer sous silence les exactions de milices étrangères qui, elles, terrorisent les Ukrainiens et, comme prétendent les Russes, les utilisent comme boucliers humains.

D’autre part, vis-à-vis du droit international de maintien de la paix, et selon l’art 51 de la Charte des Nations Unies, la Russie en attaquant l’Ukraine, a bel et bien violé le droit international qui interdit toute invasion militaire. Le texte de la Charte stipule qu’«aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense.»

La politique des deux poids deux mesures

Ce que déplore l’État Russe c’est la politique des deux poids deux mesures des Nations Unies. En effet, les instances internationales n’avaient pas résolu de manière neutre et équitable les plaintes et les doléances présentées par la Russie, relatives au génocide perpétré par le régime de Kiev à Donbass où des milliers d’Ukrainiens d’origine russe ont été massacrés et torturés sans qu’il y ait la moindre résolution ou décision émanant de l’Onu.

La Fédération de Russie considère que si l’organisation des Nations unies avait été juste et neutre, ses forces armées n’auraient jamais attaqué l’Ukraine.

Il est à signaler aussi que la Russie n’est pas l’unique État à se plaindre de l’Onu et de ses négligences. Cette ONG est à l’origine d’un mécontentement général international que reflète et confirme le dernier vote onusien du 2 mars. C’était l’occasion pour les pays en désaccord avec la résolution de soutenir la puissance russe qui n’a aucun passé colonial et qui s’est toujours présentée comme amie de l’Afrique et des pays asiatiques.

À maintes reprises, le peuple russe a été blessé dans son amour propre et depuis 1991 la Russie est devenue le souffre-douleur des pays de l’Otan, une organisation qui, partout où elle est passée, a semé la mort et la désolation. Souvenons-nous de la Libye voisine où elle n’a pas fait du bon travail, soutenant souvent les milices armées islamistes.

Les arguments cités ci-dessus représentent les mobiles et le fondement du droit de la Russie à défendre légitimement ses intérêts surtout quand la menace est sur ses frontières. Sachant que la vraie garantie de paix résulte du dialogue direct avec les nouvelles puissances conventionnelles ou nucléaires et de la négociation d’égal à égal. C’est l’unique manière d’éviter qu’une bombe tue une population innocente.

En d’autres termes, la légitime défense des intérêts est indissolublement liée au statut de la Russie et aussi à l’Ukraine et à leurs souverainetés respectives. Rien ne les empêcherait dans un futur proche de décider d’arrêter les hostilités, à condition que l’Occident prenne ses distances et reste un observateur neutre.

Bien entendu, ce ne sont là que des spéculations, car l’Occident a pris l’habitude d’agir en général avec arrogance et dédain envers les autres populations dont la culture est différente, pensant incarner à lui seul l’universalité.

Le risque d’une confrontation dangereuse

Si les va-t-en guerre de Washington (des démocrates), Tel-Aviv et Téhéran, emplis de prétention et d’arrogance, vont encore au-delà de l’opposition de la Russie, de la Corée du Nord, de la Chine, de l’Inde et du Pakistan, le risque d’une confrontation dangereuse est posé.

Il est aussi bien temps d’agir contre des résolutions onusiennes du genre «droit d’ingérence» qui représente un vrai abus d’autorité et un manque de respect à la souveraineté des pays modestes; ou encore les règles d’engagements «ROE» américaines, censées servir de guide aux combattants des EEUU en outre mer, les autorisant à utiliser légitimement la force létale contre quelqu’un, un civil, rien que parce qu’il a verbalement menacé de mort un GI.

Cette même logique de défense légitime américaine est à revoir quant à l’emploi d’armes de destruction massive. Un effort gigantesque est indispensable pour bannir la prolifération et l’emploi de ces engins de la fin de l’humanité

Où va le conflit russo-ukrainien ?

La fin du conflit russo-ukrainien n’est pas pour demain, même si les Russes gagnent sur le terrain. En ce moment, l’Ukraine dispose d’un grand soutien médiatique orchestré par le monde occidental qui se traduira certainement par un long isolement de la Russie et probablement par un nouvel ordre mondial voire une autre situation de guerre froide.

Le jeudi 24 février 2022, l’Europe occidentale et principalement ses citoyens ne peuvent en croire leurs yeux. Habitués à une vie paisible, le long week-end, les 35 heures de travail par semaine, les Européens sont surpris par le retour de la guerre subitement sur leur continent.

Au petit matin, de ce jour, l’Europe s’est réveillée par le retentissement des explosions et des sirènes dans les villes d’Ukraine. Presque à la même heure, le président Vladimir Poutine intervenait sur plusieurs chaînes de télévisions annonçant sa décision de lancer une opération spéciale en Ukraine, précisant que le but de cette opération est de «protéger les personnes qui, depuis huit ans, sont victimes d’intimidation et de génocide de la part du régime de Kiev». Le président russe a invoqué «l’article 51, chapitre VII de la Charte des Nations unies», qui évoque le droit à la légitime défense des intérêts de son pays, mais aussi l’appel à l’aide que lui avaient lancé les militants du Donbass.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, apparemment peu surpris par les événements, a proclamé la loi martiale, déclaré qu’il ne quittera pas son pays et appelé les Ukrainiens et des «miliciens du monde» à utiliser tous les moyens contre l’agresseur.

Depuis près de deux semaines, alors que les combats font rage en Ukraine, rien n’indique une désescalade du conflit. Ce qui se confirme, c’est l’avance coordonnée russe sur trois grands axes venant de Russie, de Crimée et de la Biélorussie se dirigeant vraisemblablement vers l’objectif final, Kiev.

Il n’y a plus de doute, l’Ukraine fût attaquée par la Russie et cette agression continue jusqu’à ce jour. L’Ukraine, en réalité, est victime de l’ingérence de l’Occident qui l’a amenée à provoquer durant des années la Russie pour subir son attaque dévastatrice. Elle bénéficie du soutien international voté récemment à New York et de l’appui des médias occidentaux. Elle n’a, par contre, rien reçu de substantiel pour se défendre, ni de l’Otan, ni de l’Union européenne, qui ont décidé de ne pas intervenir militairement, évitant ainsi de provoquer la Russie.

D’autre part, tous les médias du monde occidental ont commencé déjà à se relayer pour attiser la discorde et la guerre fratricide entre deux peuples de la même origine slave et foi orthodoxe. Tout le monde a tendance à étendre le conflit. Agissant de la sorte, il devient clair, comme le jour, que l’UE et l’Alliance atlantique n’ont pas la moindre bonne volonté, ni une réelle intention d’arrêter la guerre en Ukraine. L’Occident agit de toutes ses forces pour que la Russie s’enlise dans le bourbier ukrainien.

En outre, et depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, aucun des pays de l’ex-Pacte de Varsovie n’a vu sa situation s’améliorer, ceux qui sont aujourd’hui à la retraite regrettent le passé. L’Ukraine, ex-république de l’URSS, s’est appauvrie malgré ses richesses naturelles et malgré le savoir-faire technique de ses citoyens. Des milliers de jeunes ukrainiens, à la recherche de travail, sont exploités dans les pays de l’UE. L’Ukraine, dont l’histoire est glorieuse, était le fleuron de l’URSS, russifiée à 100% en 1892 et devenue composante principale de l’URSS en 1922.

Point de la situation: le rouleau compresseur de la Russie, conforme à sa doctrine, continue son attaque coordonnée, entrecoupée de haltes permettant le passage sécurisé des réfugiés ukrainiens. Les pays de l’UE paraissent prudents et moins engagés avec l’Ukraine. Le dernier verrou très important donnant accès de l’Ukraine à la mer Noire est tombé entre les mains de la marine russe. La conquête de Kiev et des autres grandes d’Ukraine, où se préparent les combats les plus durs, est laissée à la fin. Où il est possible, vu les pertes énormes subies, que l’Ukraine demande l’arrêt des combats, mais tout dépendra des grands événements futurs.

Sur le plan international, l’Otan, l’UE et l’Onu, qui ont le vent en poupe, souffrent aujourd’hui de crises internes dues au déclenchement de cette guerre et au déséquilibre militaire face aux nouvelles puissances mondiales. D’autres ONGs les remplaceront au moment opportun, d’ailleurs face aux problèmes énergétiques, plusieurs États européens, comme l’Allemagne, pourraient penser sortir de l’UE. Il n’est pas exclu qu’une guerre mondiale éclate, sans recours à l’arme nucléaire, qui reste dissuasive, car la destruction mutuelle est pleinement garantie.

* Spécialiste en droit de la guerre.

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