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La guerre en Ukraine et les deux visages de l’Occident

L’Occident dénonce les crimes de guerre de la Russie en Ukraine mais passe honteusement sous silence ceux d’Israël en Palestine.

D’abord, entendons-nous sur un principe, aucune nation sur terre n’a le droit de dominer une autre nation, de l’agresser, de l’asservir ou de l’humilier quel qu’en soit les causes. De ce fait, la guerre contre l’Ukraine par la Russie est une abomination criminelle. Les images de ces pauvres Ukrainiens, vieux, femmes et enfants, fuyant leurs maisons, la peur au ventre et le regard hagard, déambulant au milieu d’immeubles éventrées et fumants, a indigné la terre entière. Mettons-nous à leur place pour imaginer le calvaire qu’ils subissent. Chantre de la démocratie, des libertés et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Occident s’en émeut plus que tout le monde. Il crie haut et fort au scandale.

Par Adel Zouaoui *

Mais la guerre contre l’Ukraine et contre sa population civile est-elle la seule guerre sur terre? Y en a-t-il pas d’autres qui se produisent ailleurs, hors du continent européen? Oh que si. D’autres guerres se déroulent en Afrique et en Asie et où les puissances occidentales sont fortement impliquées. Seulement on en parle peu ou pas du tout.

Les guerres oubliées

Les guerres au Yémen, en Syrie, en Libye, en Afghanistan ou en Irak malgré leurs atrocités suscitent peu d’intérêt pour la communauté européenne et les Etats-Unis d’Amérique. Et ce, sans parler du sempiternel conflit israélo-palestinien. Un conflit qui dure plus de soixante-treize ans et qui ne semble pas voir le bout du tunnel de sitôt.

Rappelons-nous la guerre américaine lancée contre l’Irak en mars 2003. Celle-ci a réduit ce pays en mille morceaux. Aujourd’hui, il se trouve très fragilisé et n’arrive pas, dix-neuf ans après, à se reconstituer et à panser ses blessures. En Afghanistan, la situation humanitaire est plus que dramatique avec quelque 23 millions d’habitants menacés de famine et des millions de déplacés. La Syrie n’est pas en reste. C’est un pays à feu et à sang depuis 2011. Il compte un demi-million de morts et plus de 10 millions de déplacés. Le Yémen, quant à lui, aurait, en sept ans de guerre, enregistré la mort de plusieurs milliers de personnes, à cause des combats et leur corolaire la famine et les maladies. Idem pour la Libye, livrée, depuis 2011, à un chaos total, sans précèdent.

Quant à la Palestine, le conflit, qui dure plus de soixante-treize ans, a causé sur des générations entières des milliers de victimes. Aujourd’hui, le peuple palestinien, s’il n’est pas forcé à l’exil, s’entasse dans des territoires exigus; des prisons à ciel ouvert sans que cela n’émeut aucun officiel occidental. Et c’est à peine si on ose émettre quelques critiques envers l’Etat hébreu quand certaines de ses exactions dépassent l’entendement.

Les deux poids et deux mesures

Pourquoi donc le tandem Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne n’arrive-il pas à adopter la même attitude impartiale vis-à-vis des conflits mondiaux? Pourquoi, ces deux entités mènent-ils une diplomatie sans principes, qui fonctionne au gré de leurs propres intérêts respectifs. Comme Janus, le dieu romain à deux visages, ils soutiennent tour à tout la chose et son contraire. Ils leur arrivent à être à la fois des défenseurs farouches des droits de l’homme et violeurs impitoyables de ces mêmes droits.

Rappelons-nous les raisons qui ont mené au déclenchement de la guerre contre l’Irak. En 2003, Colin Powell, secrétaire d’Etat à la Défense des Etats-Unis d’Amérique, s’est appuyé sur un mensonge, grotesque et éhonté, pour justifier l’invasion de l’Irak par son pays. Il avait brandi une fiole d’Anthrax pour affirmer que l’Irak était en train de développer des armes chimiques. Rappelons-nous aussi la décision de Donald Trump, le 45e président des Etats-Unis, de reconnaître, contre l’aval des Nations Unies, Jérusalem comme capital d’Israël; sabotant ainsi le peu de chances des Palestiniens à recouvrir leur plein droit.

Si on agresse et si on bafoue soi-même le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pourquoi alors diaboliser Vladimir Poutine? Ce dernier n’est-il pas semblable à Benyamin Netanyahou? N’a-t-il pas employé les mêmes méthodes pour déstabiliser et détruire tout un peuple? Y a-t-il des crimes qu’on dénonce, d’autres qu’on tait et d’autres encore avec lesquels on se fait voltontiers complice?

Pourquoi feu Yasser Arafat, l’ancien président palestinien, n’a-t-il pas eu les mêmes égards de la part des pays occidentaux que Volodymyr Zelensky, président ukrainien ? Le leader palestinien n’a pu être reconnu par les instances internationales qu’après un combat de haute lutte, alors que le chef d’Etat ukrainien a été chaleureusement accueilli, en visioconférence, par presque tous les parlements des pays occidentaux et même par les Nations Unies, alors que sa responsabilité dans la tragédie que vit actuellement son peuple est largement engagé.

Pourquoi le conflit israélo palestinien passe-t-il comme un simple fait divers alors que celui russo-ukrainien s’invite intensément dans le débat politique et se convertit même en un enjeu électoral de premier plan, en France en l’occurrence?

Enfin, pourquoi les Ukrainiens ont-ils droit à une importante aide militaire de la part de Joe Biden pour se défendre et défendre leur pays et pas les palestiniens? Même les roquettes fait-maison par de pauvres Palestiniens en situation de désespoir, aléatoires et imprécises, tirées aveuglément vers l’Etat hébreu en guise d’appel au secours sont fermement et sans nuance dénoncés par ce même Occident ?

La honteuse hiérarchisation des crimes

Au fait, ce conflit russo-ukrainien a mis au grand jour la politique de deux poids et deux mesures. Pire encore, une hiérarchisation pitoyable et mesquine des crimes contre l’humanité ?

Enfin, défendre un crime de guerre contre un autre est en soi un crime encore plus abject. Ça revient à pratiquer la ségrégation entre les atrocités, les abominations et les injustices humaines. Il y a des crimes qu’on défend corps et âme et d’autres qu’on regarde, impassible, sans bouger le petit doigt.

Pourquoi alors les médias occidentaux se taisent-ils sur les sempiternels exactions que la population palestinienne subit presque au quotidien ? Et quand ils s’s’expriment à son sujet c’est à demi-mot, presque en s’excusant. Face aux humiliations, aux brimades, aux injustices que les femmes, enfants et vieillards palestiniens endurent, rarement on a entendu un officiel français, allemand ou américain crier haut et fort son indignation des violations contre les droits de l’homme.

Si le crime de guerre contre la population ukrainienne occupe tous les médias occidentaux jusqu’à saturation, ceux contre les Palestiniens, les Syriens, les Irakiens ou les Yéménites sont mis sous le boisseau. Comme des maladies orphelines, ils n’intéressent personne que ceux qui les subissent.

Pour l’Occident, les droits de l’hommes, la démocratie, la dignité humaine sont des valeurs qui n’appartiennent pas à tout le monde. C’est seulement dans le seul Occident qu’elles doivent se pratiquer et être défendues. Et c’est aussi à leur ombre, avec leur couleur et sous leur couverture qu’on se permet de commettre les plus rances et les plus putrides des injustices.

* Haut fonctionnaire à la retraite.

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