Le chercheur et écrivain tunisien Mohamed Cherif Ferjani s’apprête à participer à la 28e édition de la manifestation littéraire Maghreb-Orient des livres, organisé à l’Hôtel de Ville de Paris, les 13, 14 et 15 mai 2022.
Professeur honoraire de l’Université Lyon2, président du haut conseil scientifique de Timbuktu Institute (African Center for Peace Studies), auteur de nombreux essais sur des thématiques politico-historiques, dont les lecteurs de Kapitalis apprécient les fréquentes analyses sur la situation en Tunisie et dans le monde, Mohamed-Cherif Ferjani participera aux activités du salon et présentera son dernier livre «Libéralisme et révolution conservatrice», paru aux éditions Nirvana à Tunis), le samedi 14 mai, de 15h30 à 16h30 (Hôtel de ville de Paris, 3 rue de Lobau – Paris 4e – métro : Hôtel de ville, Ligne 1).
Nous en reproduisons ci-dessous ces bonnes feuilles…
La lutte contre le néolibéralisme et contre la révolution conservatrice passe, entre autres, par le développement, au niveau international comme au niveau de chaque pays, de solidarités supérieures à celles qu’offrent les appartenances et les liens de sang, de terroir, de religion, de langue, d’origine, etc.
La promotion d’un lien social sur la base de telles solidarités, est irremplaçable du point de vue d’un humanisme universel soucieux de libérer les individus du carcan des solidarités mécaniques qui s’imposent à eux comme des fatalités. Elle exige des pouvoirs publics une plus grande implication dans les domaines socio-économiques, à travers le développement de services garantissant à toutes les populations – quelles qu’en soient les origines, les fidélités et les attaches culturelles – des droits qui les libèrent du poids des traditions et des hiérarchies séculaires de leur communauté.
Pour cela, les services publics ne doivent pas être réduits à des services minimums destinés à réduire les risques d’explosions sociales et à «soulager les peines» des exclus de l’économie de marché. Ils doivent viser à faire profiter le plus grand nombre des bienfaits des progrès scientifiques et techniques dans les domaines de l’éducation comme dans ceux de la santé, du travail, des transports, des loisirs, du logement, etc.
De tels services sont le meilleur moyen pour prévenir les crispations identitaires, combattre la xénophobie et barrer la route aux marchands d’illusions qui jouent sur les frustrations et les peurs pour dresser les populations les unes contre les autres au nom des idéologies de haine et d’exclusion. L’un des ressorts de ces idéologies était et reste l’opposition entre les cultures. Il est important, à ce sujet, de rompre avec les conceptions essentialistes qui présentent les cultures comme des blocs monolithiques, figés, irréductibles, irrémédiablement opposés et dressant fatalement leurs adeptes les uns contre les autres. Sans nier l’incidence des cultures sur les comportements humains, il ne faut pas oublier que ce sont les humains qui produisent, font évoluer et donnent du sens à leurs cultures.
Par ailleurs, dans toutes les cultures, il y a des côtés et des courants progressistes, humanistes, rationnels, favorables à la justice, à l’égalité et à la liberté, et d’autres qui sont réactionnaires, inhumains, obscurantistes, au service de l’injustice, des discriminations et de la soumission aux traditions et aux hiérarchies de toutes sortes. Agir pour consolider la démocratie partout dans le monde – là où elle existe et montre des signes d’épuisement qui profitent à ses fossoyeurs, et là où les populations qui en sont privées y aspirent -, passe par des combats pour la défendre, la développer, en renouvelant sans cesse ses contenus et ses formes et en essayant d’y gagner et d’en faire profiter le plus grand nombre possible.
Pour cela, il est important de mettre en valeur tout ce qui peut, dans toutes les cultures, servir d’ancrage et de support à l’enracinement et à la promotion des valeurs humanistes et démocratiques qui ne sont pas l’apanage exclusif de telle ou telle culture, de «l’Occident» ou d’ailleurs.
Partout, la défense et la promotion de la justice sociale et de l’égalité, doivent aller de pair avec la défense de la liberté et des droits égaux pour tou(te)s. Nous n’avons pas à sacrifier l’égalité au nom de la liberté, ni la liberté au nom de la justice sociale et de l’égalité ; car, comme le dit G. Soulier, «…les inégalités sociales détruisent le principe de droits égaux pour tous, mais il faut justement se prévaloir de ce principe pour combattre les inégalités sociales». Cela exige un contrat social où l’humain, réconcilié avec la nature, sera «la mesure de tout».
Le «contrat naturel» auquel appela Michel Serres, depuis 1990, comme complément nécessaire au renouvellement du contrat social usé par les politiques néolibérales, est plus que jamais nécessaire, pour mettre fin aux «blessures de l’homme coupé de l’univers» et aux «gémissements de la nature exploitée par l’homme», selon l’expression de Richard Bergeron.
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