Les enfants des dictateurs disposent naturellement du réseau relationnel adéquat leur permettant de bénéficier mieux que d’autres du soutien des réseaux d’affaires et des complicités au plus haut sommet de l’Etat, indispensables pour mener une campagne électorale de grande ampleur avec succès. Mohamed, fils de Zine (et de Leïla) Ben Ali, pourrait-il espérer revenir un jour en Tunisie pour briguer la plus haute fonction à la tête de l’Etat ? Cette question n’est pas aussi saugrenue qu’on le pense à première vue, au moment où beaucoup de Tunisiens considèrent l’époque de Ben Ali comme l’âge de la prospérité dont l’élection du Parti destourien libre (PDL) et sa présidente Abir Moussi assurerait le retour.
Par Dr Mounir Hanablia *
Le fils de l’ancien dictateur Philippin Ferdinand Marcos a remporté les élections présidentielles dans son pays. Ce n’est pas une première; Gloria Arroyo, la fille d’un ancien président philippin, avait accédé à la magistrature suprême avant d’être destituée, pour corruption. Le fils de Baby Doc Chevalier avait été élu il y a quelques années en Haïti. Quant à Saif Al-Islam Kadhafi, beaucoup voient en lui un futur président en Libye. Ne parlons pas du fils Kabila au Congo, qui ne serait qu’un faussaire.
Cet engouement pour les enfants des anciens dictateurs déchus est remarquable du moment qu’il s’inscrit au terme d’élections réputées être libres, il nécessite certaines explications.
Les atouts des enfants de dictateurs
Avec le libéralisme économique international issu de la mondialisation, tous les pays sont ouverts aux vents du marché global et la crise économique s’exporte beaucoup plus facilement que la prospérité.
Les Philippines sont le pays où les inégalités économiques et sociales sont les plus évidentes, et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté, malgré une amélioration du PIB global.
Quant à Haïti, il demeure l’un des États les plus pauvres du monde, qui plus est régulièrement exposé à des catastrophes naturelles de grande ampleur.
Enfin, beaucoup de Libyens regrettent sans qu’on puisse le leur reprocher la paix qui prévalait à l’époque où l’Etat distribuait à chaque citoyen les dividendes issues de l’or noir.
En général les dictatures ont régné au temps où chaque pays pouvait se prévaloir d’un protectionnisme économique dont bénéficiaient les opérateurs économiques locaux, et qui, malgré la kleptocratie régnante, engendrait encore une certaine prospérité.
Ce temps n’est plus et si les économies se sont développées, seuls quelques-uns en tirent profit. Qui plus est, les enfants des dictateurs disposent naturellement du réseau relationnel adéquat leur permettant de bénéficier mieux que d’autres du soutien des réseaux d’affaires et des complicités au plus haut sommet de l’Etat, indispensables pour mener une campagne électorale de grande ampleur avec succès.
Les Destouriens et le legs de Ben Ali
En Tunisie, et pour les mêmes raisons, d’aucuns considèrent désormais l’époque de Zine El Abidine Ben Ali comme l’âge de la prospérité dont l’élection du Parti destourien libre (PDL) et sa présidente Abir Moussi assurerait le retour. Ce n’est évidemment qu’une illusion. Les vents de la dette soufflent plus puissants que jamais, le Covid est passé par là, et la guerre en Ukraine fait rage. Et une élection n’a jamais résolu les problèmes d’un pays d’un coup de baguette magique, pour peu que le président et le parti élus disposent des coudées franches face au structures monétaires internationales et aux agences de notation pour réaliser les réformes indispensables.
Mais à supposer que le retour du protectionnisme nécessaire au rétablissement économique soit possible, il faudrait encore en convaincre une population désespérée, et le mieux pour ce faire serait que Mohamed fils de Zine El Abidine Ben Ali et de Leila Trabelsi soit désigné au moins comme président d’honneur du PDL, en attendant d’accéder à sa majorité.
Il est douteux, empêtrée comme elle l’est dans une empoignade qui commence à devenir grotesque avec l’Association des oulémas musulmans, que Abir Moussi, soit d’accord, mais eu égard aux antécédents philippin, haïtien, et libyen, le fils de Zine aurait certainement plus de chances de l’emporter en convainquant tous les gens sensés de sa capacité à débarrasser le pays de ce parti Ennahdha qui n’en finit pas de mourir et de nous entraîner tous avec lui dans sa chute, sans que le président Kaïs Saïed ne se décide à l’achever.
*Médecin de libre pratique.
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