Tunisie : Journées internationales du patrimoine de Djerba

Djerba Cult, les Journées internationales du patrimoine de Djerba, se tiendront du 16 au 18 mai 2022, en marge du pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, sous le slogan «Trois jours pour découvrir le patrimoine pluriel de l’île», une tentative de reconstitution des moments de cette mémoire plurielle qui tend à se perdre.

Ces journées, qui rassembleront universitaires, acteurs de la société civile, collectionneurs et citoyens, visent à célébrer le riche patrimoine de l’île… Elles ont été rendues possibles grâce à un projet de recherche entre Queen Mary University of London et le Laboratoire du patrimoine (Université de Manouba-Tunisie), ayant réussi à fédérer plusieurs acteurs de la société civile et des universitaires pour mettre en place une programmation diverse à l’image de la pluralité des récits et de la culture de Djerba.

Héritages islamique, grec, sicilien et juif

A cheval entre le culte et la culture, le premier jour s’ouvre sur l’ibadisme, l’une des plus anciennes écoles de l’islam dont on voit les représentations dans l’architecture des mosquées. Depuis la hauteur de leurs minarets atypiques jusqu’à leurs pièces souterraines. Nous découvrons les secrets de ce patrimoine architectural alliant utilité et spiritualité…

L’île à l’identité composée, regorge de cultures brassées. Et on découvre à l’occasion de ces rencontres son héritage grec, sicilien et puis juif…

On aborde à l’occasion du deuxième panel, un lieu de mémoire en péril : le cimetière. En traversant le territoire national, pour atterrir à Gafsa, à Nabeul ou à Sfax et en mettant l’accent sur le cimetière du Borgel Hayt haï Haïm – La maison des vivants, que la communauté juive de Tunisie essaie de restaurer depuis plusieurs années, scindé en deux (les tombes des twensa et les tombes des Grana).

Marc Fellous, ayant publié un ouvrage collectif sur cette dernière demeure, interviendra pour apporter des précisions sur les tombes de Cheikh Efrit et de la visite annuelle Hiloulas sur la tombe du Rabbin Haï Taieb, y reposant depuis la désaffectation du cimetière de l’Avenue Roustan, désormais baptisé «Le Jardin de l’avenue Habib Thameur»

Le Borgel abrite en son sein le carré des libres penseurs, ressuscité suite au la disparition de Gladys Adda en 1995. C’est dans cette partie du cimetière que l’écrivain Gilbert Naccache a élu sa dernière demeure.

Les pécheurs d’éponge orthodoxes

Retour à Djerba, où on pose l’ancre à l’église Saint Joseph à Houmt Souk, la synagogue Pariente et l’église grecque de Saint Nicolas. Fondée en 1890, fréquentée par les pécheurs d’éponge orthodoxes, cette dernière réouvre ses portes, en 2021, après 60 ans de désertion pour abriter les célébrations de Saint Nicolas chaque mois de décembre.

La journée s’achève sur la présentation de l’opus de Lucette Valensi et Abraham Udovitch «Les juifs en terre d’Islam», un ouvrage retraçant en partie l’histoire du rabbinat djerbien, des traditions et de l’attachement de la communauté juive à la Hara, qu’on découvre en détail, grâce à la projection du film sur la Hara Kbira, signé Giles Elie Cohen.

La deuxième journée de cette rencontre est dédiée à l’apport culturel des minorités sur l’île. On part à la découverte des chanteurs juifs et leur impact sur le patrimoine immatériel tunisien, en revenant sur le livre de Fakher Rouissi «Chanteurs et chanteuses juives en Tunisie» pour découvrir ensuite un spectacle chants liturgiques concocté par Mohamed Ghrab et discuter avec les artistes Aida Niati et Zied Zouari sur les inspirations les ayant menées à la production du spectacle «Habibi Lawel», auquel le public assistera le lendemain, après le pèlerinage, le troisième Jour.

Ce projet est étroitement associé aux objectifs globaux des programmes de développement durable. Il vise la croissance et le développement humain durables. Il produira des connaissances nouvelles, relatives aux traces des Juifs dans l’histoire globale de la Tunisie contemporaine.

Visant la découverte de ressources patrimoniales pouvant stimuler la croissance économique dans le pays, le projet cherche à mieux intégrer le passé de ces communautés plurielles comme composante du patrimoine de la Tunisie.

L’étude du patrimoine culturel pluriel

Djerba cult est une tentative de reconstitution des moments de cette mémoire plurielle qui tend à se perdre.

Coexistant avec plus de 100 000 Juifs, les Tunisiens des époques antérieures n’avaient guère de raison de diverger sur cette présence. Aujourd’hui, moins de 1500 juifs vivent dans le pays. Ils se concentrent principalement sur l’île de Djerba.

Ce projet sera la première étude interdisciplinaire qui vise à approfondir et enrichir notre connaissance du passé des Juifs de Tunisie, explorer la contribution des Juifs dans l’édification de la Tunisie moderne, et cela à travers les prismes de l’histoire, de la littérature, de l’anthropologie et de l’ethnomusicologie.

L’étude du patrimoine culturel pluriel, le recensement de récits mémoriels, ainsi que les commémorations, constituent autant de facteurs ayant chacun un rôle-clé dans le développement durable de la Tunisie.

A l’occasion de ce colloque sera mis en place un projet baptisé «Les traces des Juifs dans la Tunisie contemporaine», qui se propose de produire un savoir nouveau et de contribuer au renouvellement de l’histoire des minorités/communautés oubliées de la Tunisie. Avec l’espoir que ce projet contribuera à la réduction de l’antisémitisme et de la haine de l’autre et stimulera la croissance économique du pays.

Par la mise en place de nouvelles initiatives culturelles, le projet espère développer de nouvelles opportunités touristiques et créer des emplois pour les jeunes diplômés au chômage. ce projet est financé par le gouvernement Britannique via la British Academy.

«Lors d’un séjour de recherche effectué en Tunisie en 2014, alors que j’étais assis à l’arrière d’un taxi de la ville de Tunis, la radio du véhicule était allumée. Au moment où un nouveau morceau de musique est arrivé sur les ondes, j’ai constaté que le conducteur avait augmenté le volume de l’autoradio. Il s’agissait de Taalilét Laaroussa, une chanson tunisienne bien connue du chanteur juif tunisien Raoul Journo. Une fois le morceau terminé, le conducteur a baissé le volume. Je lui ai alors demandé s’il appréciait particulièrement les chanteurs juifs tunisiens. Sa réponse a été catégorique : «De quoi parlez-vous, monsieur ?» et d’ajouter : «Le chanteur de cette chanson est un Musulman, il n’y a jamais eu aucun chanteur juif en Tunisie!».

Ce témoignage de Daniel Lee, maître de conférence à Queen Mary University of London, suffit à lui seul de justifier l’utilité et l’intérêt de cette manifestation organisée sous le double signe de l’interculturalité et de la coexistence pacifique des cultes et des cultures.

Djerba Cult est orgabisée avec la contribution du Laboratoire du Patrimoine,The British Academy, Queen Mary University of London, l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative, L’initiative d’excellence Aix-Marseille, l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba, l’American Society of Overseas Research, l’Association internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel des juifs de Tunisie et l’Association internationale du cimetière juif de Tunis « Le Borgel ».

Source : communiqué.

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