Dans la cacophonie politique actuelle en Tunisie, ce sont le bruit et la fureur des commerçants de Dieu, ces hérauts de l’inutile, qui colonisent les espaces publics, les plateaux de télévision, les studios de radio et les réseaux sociaux. Est-ce trop demander que de croire à un possible retour du respect mutuel et de nos valeurs communes universelles ?
Par Samira Mahdaoui *
Il y a le temps juridique et il y a le Temps politique ? A propos du Conseil consultatif relatif à une Nouvelle République, la position de notre président est la plus inconfortable de toutes aujourd’hui. Son appel au dialogue avec les organisations nationales historiques (UGTT, Utica, Unat, UNFT, LTDH), avec la possibilité d’inviter toute autre personne que ces organisations jugeraient utile, et son recours aux anciens doyens des facultés de droit en vue de réfléchir à une Constitution viable, sont une main tendue pour que tous les Tunisiens et Tunisiennes éclairés puissent participer au processus de réforme politique, improbable mais tant attendu depuis le 25 juillet 2021, aussi imparfait ou inachevé puisse-t-il être jugé du point de vue d’un positivisme juridique orthodoxe rigide.
Il faut du courage pour inverser la vapeur
Tout juriste en herbe sait pourtant très bien que toute règle de droit, aussi élevée soit-elle, n’est que le résultat d’un moment «M» de l’histoire collective, qui peut faire l’objet de diverses modifications, transformations ou améliorations lorsque des circonstances impératives de fait l’imposent.
Or, c’est justement ce qui s’est passé le 25 juillet 2021, le pays étant devenu ingouvernable, avec d’un côté un législatif surpuissant dévoré par des passions violentes et des luttes intestines et un exécutif bicéphale incapable d’agir !
Il en faut du courage pour agir et inverser la vapeur et il en faut encore pour régner sans police ni armée et en laissant tout un chacun déverser sa bile dans des flots d’insultes et de pseudo défense de la démocratie, des libertés ou des idées!
La démocratie de façade des commerçants de Dieu
Mais de quelle démocratie, de quelles idées et de quelles libertés, parlent-ils ? La démocratie de façade des commerçants de Dieu monnayant un prétendu engagement politique contre pièces sonnantes et trébuchantes, au prétexte d’avoir été et d’être encore les martyrs de leurs idées ? Les idées de quelques hypocrites qui ne cherchent qu’à accaparer le pouvoir pour mieux se remplir les poches avec ce qui reste de notre économie à l’agonie et de nos entreprises publiques vérolées par une vermine sortie des tréfonds des deux précédentes dictatures? Les libertés qu’ils prétendent défendre sont-elles celles qui les poussent à insulter, vilipender, critiquer et mettre des bâtons dans les roues de tous ceux et celles qui croient encore à un relèvement possible de notre pays ?
Pourquoi nos anciens qui se sont battus contre les autorités du protectorat n’ont-ils rien réclamé ? Pourquoi les gens de bien ne parviennent-ils pas à faire entendre leur voix dans la cacophonie, le bruit et la fureur des hérauts de l’inutile qui colonisent les espaces publics, les plateaux de télévision, les studios de radio et les réseaux sociaux ? Est-ce trop demander que de croire à un possible retour du respect mutuel et de nos valeurs communes universelles ? De croire encore que le savoir et la connaissance sont à notre portée et que le travail bien fait de tous les membres du corps social, qu’ils soient éboueurs ou ministres, peut sauver notre pays et nous remettre sur la voie de ce que nous avons toujours été un peuple fier et un phare parmi les civilisations ?
* Journaliste.
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