La Commission consultative des affaires économiques et sociales, relevant du dialogue national, dont les travaux s’ouvrent aujourd’hui, samedi 4 juin 2022, à Dar Dhiafa, à Carthage, ne comprend aucun représentant de la diplomatie d’un pays, la Tunisie, dont 80% de l’économie relève de l’extérieur. Une omission lourde de sens et de… conséquences.
Par Raouf Chatty *
La Commission consultative des affaires économiques et sociales présidée par Brahim Bouderbala, le bâtonnier de l’ordre des avocats, va commencer ses travaux dans une ambiance tendue et chaotique, marquée par l’incertitude totale et l’absence de confiance entre les acteurs politiques, économiques et sociaux… Elle fait déjà l’objet de plusieurs contestations de partis politiques, d’organisations nationales, et à leur tête l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), de représentants de la société civile et des médias, sur fond de divergences partisanes et de surenchères politiques, alimentées par le président de la république, Kaïs Saïed, et de ses opposants.
Les intérêts supérieurs de la nation passent à la trappe
Dans tout ce tintamarre, ce sont les énormes erreurs commises durant ces dix dernières années dans ce genre de grands rendez-vous politiques qui vont se reproduire. Nous peinons sérieusement à apprendre de nos défaillances car chaque partie privilégie ses propres visions et intérêts au détriment des intérêts supérieurs de la nation.
Ce sont malheureusement les intérêts vitaux de la Tunisie et son image à l’extérieur, déjà très bien affectée, qui seront encore une fois sacrifiés sur l’autel des divergences politiques, partisanes ou corporatistes, sans que ces pseudo dirigeants ne se rendent compte des énormes dangers qu’ils font courir à la Tunisie aux plans national, régional et international.
Conséquence de cette cacophonie, notre pays devient une préoccupation sérieuse pour ses partenaires internationaux, les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne en tête, tout comme pour ses voisins qui appréhendent à juste titre les tensions qui la traversent…
La voix de la Tunisie demeure inaudible sur la scène internationale
Il est également très regrettable que la Commission consultative des affaires économiques et sociale relevant du dialogue national ne compte pas parmi ses membres un expert des affaires internationales ou un diplomate chevronné alors que 80% de nos relations économiques et commerciales se font avec l’extérieur.
Rappelons dans ce cadre que l’essentiel de nos échanges commerciaux se font avec l’Union européenne et que l’essentiel de nos besoins vitaux en financement devrait assuré par le Fonds monétaire international (FMI) et d’autres bailleurs de fonds, et que, dans ce contexte, l’apport des diplomates pourrait être déterminant en termes de méthode d’approche, d’argumentaire et de plaidoyer.
Dans ce contexte, la manière qu’a aujourd’hui le pouvoir politique de marginaliser la diplomatie, de ne pas tenir compte de ses visions et approches et de ne pas lui donner les moyens d’agir sur le plan international pour défendre les intérêts vitaux du pays, risque de compliquer la tâche de la Tunisie et de rendre sa parole inaudible. Quel gâchis !
* Ancien diplomate.
** Illustration : Dar Dhiafa à Carthage où se déroule le dialogue national.
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