Depuis la révolution de 2011, les Emirats arabes unis n’ont pas montré beaucoup d’intérêt pour la Tunisie et les gros investissements émiratis annoncés sous le règne de Ben Ali ont tous été momentanément gelés. Il faut dire que l’arrivée des Frères musulmans d’Ennahdha au pouvoir à Tunis a été très mal vue à Abou Dhabi. Peut-on espérer un changement de la position émiratie à l’égard de notre pays ?
Par Imed Bahri
Des signes peuvent donner à le penser, notamment la reprise, à la mi-mars dernier, du projet de la Cité sportive qui sera bâtie par le groupe Boukhater aux Berges du Lac nord de Tunis. On espère aussi voir relancé l’autre grand projet émirati, celui de Sama Dubai, aux Berges du Lac sud de Tunis. Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne, car la situation générale en Tunisie demeure peu encourageante pour les investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers.
Des signes encourageants
Au chapitre des signes encourageants : la rencontre, mardi 14 juin 2022, au Palais de Carthage, entre le président de la république Kaïs Saïed et le ministre délégué auprès du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale des Emirats arabes unis, Shakhbout bin Nahyan Al-Nahyan.
A cette occasion, le chef de l’Etat a souligné le ferme engagement de la Tunisie à promouvoir un climat favorable à l’investissement, tout en exprimant la disponibilité de la Tunisie à nouer des partenariats prometteurs et à renforcer la coopération économique et technique avec les Emirats, afin de porter les relations bilatérales au plus haut niveau, selon le texte du communiqué publié par le palais de Carthage.
Pour sa part, le ministre émirati a exprimé, au nom de son pays, des sentiments de respect et de gratitude au président de la république, assurant que les Émirats arabes unis continuent de soutenir le processus engagé au profit du peuple tunisien. «La Tunisie peut compter sur les Émirats arabes unis pour identifier de nouvelles opportunités de coopération et d’investissement dans les domaines d’intérêt commun», a-t-il promis.
Pour ce qui est du «processus engagé au profit du peuple tunisien», dont parle le responsable émirati, qu’on nous permettre de penser qu’il ne s’agit pas de la transition démocratique engagée en 2011 et qui a connu un parcours erratique et incertain qui a mené le pays au bord de la faillite. Il s’agit plutôt du processus correctif engagé par le président Saïed, le 25 juillet dernier, et qui s’est soldé par le départ du parti Ennahdha du pouvoir.
Chat échaudé craint le froid
Rappelons, dans ce contexte, que les Emirats avaient soutenu, en 2015, l’accession au pouvoir de feu Béji Caïd Essebsi et de son parti Nidaa Tounes, pensant qu’ils peuvent fermer définitivement la parenthèse du pouvoir islamiste en Tunisie, mais l’alliance contractée aussitôt entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi et les partis Nidaa Tounes et Ennahdha n’ont pas tardé à remettre en question tout le processus, poussant les Emiratis à prendre de nouveau leurs distances vis-à-vis de Tunis. Conséquence prévisible : les relations entre Abou Dhabi et Tunis n’ont jamais été aussi froides et grises qu’elles l’ont été au cours des sept dernières années. Peut-on espérer les voir prendre quelques couleurs à la faveur de l’avènement de la présidence de Kaïs Saïed et du départ des Nahdhaouis du pouvoir en Tunisie ?
La rencontre d’hier permet certes une reprise des relations, mais leur réchauffement n’est pas pour demain la veille. Et pour cause : les Emiratis, qui sont des gens prudents et qui ont déjà eu de mauvaises expériences en Tunisie, avec notamment la chute brutale de Ben Ali et l’alliance tout aussi brutale entre Nidaa et Ennahdha, attendent d’y voir plus clair dans l’évolution de la situation générale en Tunisie et s’assurer que le nouveau timonier, Kaïs Saïed, tient bien la barre, pour s’engager de nouveau aux côtés de notre pays. Chat échaudé craint le froid, comme dit l’adage.
Autant dire que la balle est dans notre camp, et tout dépendra de notre capacité à remettre un peu d’ordre dans nos affaires et à remettre le pays au travail. Car les Emiratis ne sont pas des bienfaiteurs de l’humanité. Ce sont des gens travailleurs, rigoureux et fins commerçants : avant de s’engager dans un quelconque investissement, ils s’assurent de sa rentabilité.
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