Les représentants du Fonds monétaire international (FMI), en mission en Tunisie depuis le 4 juillet 2022, multiplient les rencontres avec les dirigeants des organisations nationales afin de prendre la mesure de leur engagement dans la mise en œuvre du programme de réformes structurelles présenté par le gouvernement tunisien.
Par Imed Bahri
Dans ce cadre, et parallèlement aux négociations officielles en vue d’un nouvel accord de prêt à la Tunisie, des rencontres ont eu lieu avec les dirigeants de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) ou encore de la Confédération de entreprises citoyennes de Tunisie (Conect).
Garantir les chances de succès aux réformes envisagées
Les communiqués officiels publiés à l’issue de ces rencontres se sont contentés de souligner la nécessité d’un dialogue inclusif pour garantir les chances de succès aux réformes envisagées par le gouvernement, dialogue dont on a de bonnes raisons de penser qu’il n’a pas eu lieu, et ce par la faute même du président de la république Kaïs Saïed, qui a tout fait pour torpiller toute tentative en ce sens.
On imagine que les responsables du FMI ont entendu les représentants du patronat se plaindre de la charge fiscale qui handicape l’investissement, de la mainmise de l’Etat sur des pans entiers de l’économie et de la détérioration du climat général des affaires, sans parler du faible soutien de l’Etat aux entreprises ayant subi les chocs successifs des crises sanitaire et énergétique.
Les responsables syndicaux ont réitéré, de leur côté, leurs griefs contre un Etat qui ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des travailleurs, et leur opposition de principe aux engagements de ce même Etat dans le cadre de ses négociations avec le FMI, portant sur la réduction de la masse salariale et des dépenses de compensation et la privatisation des entreprises publiques en difficulté.
Transformer les divergences en synergies
Bref, rien de nouveau sous le soleil ! Toutes les parties campent sur leurs positions et insistent sur leurs priorités sans qu’une instance nationale suffisamment légitime puisse rapprocher les positions et les points de vue, afin de transformer les divergences paralysantes en synergies potentielles et les suspicions réciproques en certitudes partagées, dans le cadre d’un plan national de redressement socio-économique. Quelle est l’instance nationale suffisamment légitime capable de rassembler toutes les parties prenantes autour de ce plan ?
Au regard de la situation actuelle en Tunisie caractérisée par une démobilisation générale que la crise socio-économique ne cesse d’aggraver, on ne voit vraiment aucune partie ni aucun parti capable d’intéresser à nouveau les citoyens à la politique et les remobiliser autour d’un projet de redressement national. La seule personnalité en mesure de jouer ce rôle-là n’est autre que le président de la république Kaïs Saïed. Mais le problème avec ce dernier c’est qu’il n’a jamais cru aux vertus du dialogue, qu’il prête rarement l’oreille aux autres et qu’il est, par tempérament, fermé à tout point de vue qui ne cadrerait pas un tant soit peu du sien. Il lui arrive même d’exprimer, et notamment sur les questions socio-économiques, des positions en entière contradiction avec celles de son propre gouvernement, faisant à chaque fois de la surenchère populiste en pensant à la prochaine consultation électorale.
Pour ne rien arranger, depuis quelques semaines, M. Saïed n’a qu’une idée en tête : faire triompher le oui dans le référendum du 25 juillet sur la nouvelle constitution qu’il propose à l’approbation populaire, toutes les autres urgences étant totalement évacuées de son tableau de bord, si tant jamais qu’elles aient jamais existé pour lui.
Le FMI dans l’embarras
C’est dans ce contexte morose, où les contrariétés se conjuguent aux incertitudes pour créer une situation explosive, que la Tunisie mène des négociations décisives avec le FMI pour un nouveau prêt qui lui permettrait de financer son budget pour le restant de l’année en cours (salaires, dépenses de compensation, paiement du service de la dette, etc.) et envisager l’avenir avec moins de craintes et d’appréhensions. D’autant que les finances publiques sont un piteux état et que la reprise espérée (tourisme, exportations) n’atteint pas les niveaux susceptibles de mettre un peu oxygène dans l’économie.
D’où, on l’imagine, l’embarras où se trouvent aujourd’hui les responsables du FMI, qui ont peu de raisons objectives pour voler au secours d’une Tunisie qui n’a jamais été aussi mal gouvernée qu’elle l’est aujourd’hui, mais qui ne peuvent non plus courir le risque de laisser notre pays dans la mouise, avec les conséquences que l’on imagine sur le plan régional voire international, sachant que la Tunisie avait souvent figuré, dans un passé récent, parmi les bons élèves de la classe.
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