Les Tunisien(ne)s manquent-ils de politesse ?

Si on aime vraiment sa patrie, comme le prétendent beaucoup d’internautes tunisien(ne)s dans leurs postes et commentaires, on se garde de manquer de politesse aux autres ou de tenir des propos de goujat. Les citoyens d’un pays qui se respecte doivent être polis, agréables, accueillants, cultivés, tolérants et ouverts au monde. (Illustration: tapi(e)s derrière un écran, et protégé(e) par l’anonymat, beaucoup de Tunisie(ne)s se découvrent une âme de goujat).

Par Kais Krissane *

En parcourant les postes publiés çà et là sur les réseaux sociaux et les commentaires des articles publiés par la presse électronique pour découvrir les opinions des Tunisien(ne)s sur l’actualité nationale, on remarque trois choses.

D’abord, l’engouement de nombreux internautes pour la politique. On ne sait pas, par contre, si ces lecteurs qui signent généralement par des pseudonymes sont de l’intérieur ou de l’extérieur du pays. Mais on relèvera un grand paradoxe : cet engouement pour la politique sur les réseaux sociaux contraste avec le très fort taux d’abstention lors de rendez-vous électoraux 

D’où la seconde remarque : ce sont souvent quasiment les mêmes qui commentent l’actualité avec une grande régularité, en exprimant les mêmes opinions tranchées et définitives, sans objectivité ni nuance. C’est à croire que certains sont missionnés pour le faire.

Troisième remarque : très peu de commentaires sont formulés d’une manière construite et cohérente.

Cependant, ce qui attire le plus l’attention, c’est l’usage inconsidéré d’un vocabulaire qui laisse penser que les intervenants n’ont aucune conscience du poids des mots – souvent vulgaires et grossiers – qu’ils utilisent ou alors, ces derniers sont à l’image des Tunisien(ne)s, dont ils représentent un échantillon représentatif, des Tunisien(ne)s de plus en plus méconnaissables. Si c’est le cas, c’est vraiment triste qu’avec la généralisation de l’enseignement, on en soit arrivés là.

On a souvent honte de lire certains commentaires grossiers, irrespectueux, insultants, voire franchement vulgaires, qui sont d’ailleurs plus nombreux que ceux bien pensés, bien construits et contenant un message. Et dire que les administrateurs et modérateurs des sites électroniques affirment qu’ils censurent beaucoup de commentaires contenant des propos racistes, appelant à la haine et à la violence ou carrément obscènes.

Il est, pourtant, tellement plus agréable et plus édifiant de lire des commentaires argumentés, structurés et polis, même si les idées développées sont excessives et les mots utilisés durs. Donner son opinion sans succomber à la tentation de la vulgarité honore l’auteur, donne de la valeur à son commentaire, suscite les échanges courtois et enrichissants pour tous.

Quand on commente, il faut garder à l’esprit que nos commentaires sont lus par des lecteurs dans le monde entier et donnent une image, bonne ou mauvaise, du niveau du débat dans notre pays, voire de notre pays tout court.

Si on aime vraiment sa patrie, comme le prétendent beaucoup d’internautes tunisiens dans leurs postes et commentaires, on se garde de manquer de politesse aux autres ou de tenir des propos de goujat. Les citoyens d’un pays qui se respecte doivent être polis, agréables, accueillants, cultivés, tolérants et ouverts au monde.

En plus de la modération des commentaires publiés, les administrateurs des pages sur les réseaux sociaux et les éditeurs des journaux électroniques devraient élaborer et suivre une charte déontologique qui exige un minimum de respect et de courtoisie dans les commentaires et interdit formellement les insultes  envers les femmes et hommes publics, en plus bien entendu des propos à caractère raciste ou qui appellent à haine et à la violence.  La démocratie ne se construit pas par l’anathème, mais par l’échange courtois et instructif.

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