Il y a 75 ans exactement, le 15 août 1947, l’Inde et le Pakistan accédaient simultanément à l’indépendance dans un processus parrainé par les anciens maîtres anglais et qualifié de partition. La partition devait faire plus d’un million de morts et une douzaine de millions de déplacés, dans ce qui serait considéré comme le plus grand exode de l’Histoire.
Par Dr Mounir Hanablia *
L’aspiration des musulmans de l’Inde à l’indépendance était-elle spontanée ou bien stimulée par les Anglais? La réponse doit être nuancée.
A l’origine la majorité des musulmans étaient plutôt regroupés dans des partis essentiellement régionalistes, mais c’est la création de la Ligue musulmane qui leur a conféré cette tendance pan islamique unioniste.
Une répartition à la louche
C’est l’avocat anglais Cyrille Redcliff qui, en se servant d’une carte et en ignorant tout de la réalité humaine des régions qu’il divisait, a défini les frontières des deux nouveaux Etats en attribuant les régions à majorité hindoue à l’Inde et musulmanes au Pakistan.
Les Etats princiers avaient eu la possibilité de se rattacher à l’un ou l’autre pays selon le choix du prince régnant.
Au Kashmir, pays à majorité musulmane, le maharajah hindou avait fini par choisir l’Inde et cela avait déclenché une première guerre entre les deux pays, chaque armée en occupant une partie.
Le sultanat de Hyderabad dans le sud de l’Inde, gouverné par le Nizam musulman et à majorité hindoue avait essayé de garder son indépendance avant d’être occupé par l’armée indienne.
Mais c’est le Penjab qui allait connaître les évènements les plus dramatiques avec la vague de massacres qui allait précipiter les populations des deux pays de part et d’autre de la frontière.
Les Anglais avaient en effet brusquement annoncé leur départ ainsi que leur volonté de créer les deux pays sans en fixer à l’avance les frontières, déclenchant ainsi des campagnes d’épuration ethnique et d’horreurs sur une grande échelle.
Les musulmans ont-ils vraiment fait le bon choix ?
Mahatma Gandhi avait bien essayé de convaincre Muhammad Ali Jinnah le leader de la Ligue musulmane de ne pas faire sécession mais cela avait été peine perdue. Finalement le Pakistan serait un pays dont l’est peuplé de Bengalis et l’ouest peuplé essentiellement de Punjabis, seraient séparés par 2500 kilomètres de territoire indien. En 1971 l’est et l’ouest connaîtraient un divorce sanglant, précipité par l’intervention indienne et le refus de la classe politique de l’ouest de se soumettre à la majorité constituée de Bengalis.
Aujourd’hui le Pakistan est un pays pauvre et féodal, travaillé par les talibans, et on peut se demander si les musulmans ont vraiment fait le bon choix en choisissant de vivre dans un pays à eux.
Cependant l’Inde actuelle quoique prospère, avec son chauvinisme hindou, son intolérance et sa persécution des minorités, démontre que tout compte fait, la création du Pakistan obéissait certainement à une inquiétude légitime, celle de se prémunir contre cette éventualité inévitable d’une majorité hindoue hostile tentée par l’extermination ou l’expulsion des musulmans. Et la possession par les deux pays de l’arme nucléaire leur fait courir le risque d’une guerre sans issue autre que la destruction mutuelle.
* Médecin de libre pratique.
«Cette nuit la liberté. L’épopée tumultueuse de l’indépendance des Indes», Dominique Lapierre et Larry Collins, éd. Robert Laffont, 1er janvier 1975, 555 pages.
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