Pour les semaines et mois à venir, les projections économiques et monétaires n’augurent rien de bon pour le dinar, et pas seulement. Le dinar serait dévalué d’au moins 10% d’ici l’hiver, avec une autre dévaluation de 10% en 2023. L’inflation ne va pas fléchir et le taux directeur augmentera prochainement d’au moins 150 points de base. C’est The Economist intelligence Unit (EIU) qui le dit, dans une note confidentielle éditée il y a une semaine. Radioscopie de ces projections en 9 points…
Par Moktar Lamari *
Le EIU a publié ces chiffres et bien d’autres dans sa note titré «Les défis des Banques centrales en Afrique du Nord».
Les enjeux et les projections faites montrent que la Tunisie sera au cœur de vents contraires et d’une tempête à la fois budgétaire et monétaire, pas facile à maîtriser totalement par la Banque centrale et le gouvernement.
La tempête est encore à venir
1. Suite au ralentissement de la croissance mondiale, les devises ont été soumises à de nouvelles pressions face au dollar et l’inflation a bondi, le dinar ne fera pas exception.
2- La hausse des taux d’intérêt mondiaux et l’appréciation du dollar américain augmentent également l’aversion au risque sur les marchés financiers, et les économies surendettées seront malmenées.
3- La hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie alimente une forte hausse de l’inflation, exacerbée par la dépréciation des taux de change. Le tout réduira les réserves en devises, et de nouvelles dévaluations du dinar sont incontournables.
4- L’automne sera chaud, les choix des options de politiques monétaires seront confrontés à des choix difficiles dans un climat de mécontentement social croissant face à la hausse du coût de la vie dans un contexte de reprise incomplète après les ralentissements économiques induits par la pandémie en 2020-2021.
5- Les taux de change en Tunisie et en Égypte sont particulièrement vulnérables compte tenu des niveaux élevés de dette extérieure de ces pays et des besoins importants de financement extérieur.
6- L’EIU s’attend à ce que les deux pays concluent de nouveaux accords financiers avec le FMI au second semestre de 2022, mais ces accords risquent d’arriver un peu tard au regard de la tempête qui secoue déjà les taux de change et la capacité à payer la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires nécessaires.
7- Les devises les plus menacées par une pression soutenue sont le dinar tunisien et la livre égyptienne. Le dirham marocain et le dinar algérien ne sont pas dans le même cas.
8- En supposant que la Tunisie obtienne un nouveau programme du FMI, l’EIU prévoit que le dinar se dépréciera d’environ 10% en 2022 et un autre 10% en 2023 avant de se stabiliser.
9- Selon les mêmes projections, le taux d’intérêt directeur sera augmenté prochainement en Tunisie de 150 points de base.
Le silence de la BCT ajoute à l’incertitude
Ces nouvelles sont inquiétantes et la Tunisie ne doit pas rester les bras croisés, en implorant dieu pour que rien ne vienne perturber le statu quo sociopolitique actuel…
La Banque centrale doit agir rapidement et commencer par se prononcer au sujet de ces projections très inquiétantes. Elle peut nuancer, démentir, ou simplement dire aux Tunisiens son plan de match… plan A, plan B ou même plan C.
La BCT doit sortir de son mutisme; elle est censée défendre le dinar… et donc le pouvoir d’achat de douze millions de consommateurs. Son mutisme ajoute de l’incertitude et empirerait la situation …
Le président Kaïs Saïed ne pas rester impassible; il doit expliquer aux Tunisiens les risques et les perspectives difficiles qui pointent à l’horizon!
* Economiste universitaire au Canada.
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