Le 14 août 2022, l’American Society of Overseas Research (Asor) s’est associée au Laboratoire Régions et Ressources patrimoniales de Tunisie de l’Université de Manouba pour un événement célébrant l’héritage juif de la ville de Nabeul en Tunisie.
Cet événement fait partie d’un projet Asor de 18 mois dans la région du Maghreb, plus précisément en Tunisie et au Maroc, centré sur la documentation et la préservation des sites du patrimoine culturel appartenant aux minorités religieuses et ethniques.
Ce grand projet est financé par un donateur anonyme et dénommé «Heritage Advocacy in North Africa». Il comprend également des efforts de sensibilisation soulignant l’importance de ce patrimoine humain et promouvant les valeurs de tolérance et de multiculturalisme.
Le Laboratoire Régions et Ressources patrimoniales de Tunisie de l’Université de la Manouba est un centre universitaire situé dans la capitale Tunis, qui mène des recherches multidisciplinaires dans le domaine du patrimoine architectural, ethnologique et culturel, dans le but de fournir une base de données sur les différents aspects du patrimoine en Tunisie. Depuis 1999, les études ont porté principalement sur le patrimoine culturel juif en Tunisie et ont été présentées à de nombreuses reprises lors d’événements de sensibilisation.
Sauvegarder l’héritage juif laissé à l’abandon
Suite aux événements de 1960 et 1967, la plupart des membres de la communauté juive tunisienne (qui comptait autrefois plus de 100 000 personnes) ont émigré en France et en Israël. Aujourd’hui, seuls 1 200 Juifs restent en Tunisie, la majorité vivant sur l’île de Djerba. Avec ces départs, une grande partie de l’héritage juif est laissée à l’abandon. Asor travaille tranquillement avec des volontaires en Tunisie depuis environ un an, et elle vient d’en parler publiquement sur son site web.
Le dernier événement de sensibilisation organisé le 14 août a célébré une réalisation historique dans la préservation et la présentation du patrimoine juif en Tunisie avec l’inauguration du premier espace culturel dédié au patrimoine culturel juif à Nabeul.
Une synagogue datant de l’époque romaine
La journée a débuté par une conférence-rencontre avec la présentation de communications portant non seulement sur la mémoire juive de Nabeul mais aussi sur la présence juive dans toute la région du Cap-Bon. Mounir Fantar de l’Institut national du patrimoine de Tunisie a présenté la découverte d’une synagogue datant de l’époque romaine. Walid Zdini, vice-président de l’Association pour la sauvegarde de la médina de Soliman, a présenté une communication sur le cimetière juif en voie de disparition de Soliman datant de la première moitié du XXe siècle. Faten Bouchrara du Laboratoire de la Manouba a présenté la nouvelle publication de Fakher Rouissi sur les célèbres chanteurs juifs tunisiens. La matinée s’est terminée par la projection du documentaire Lamps of our Ancestors tourné par Amira El-Mufti et Suleyman Khitouni. Les présentateurs ont parlé d’actions encourageantes, comme l’inauguration de cet espace culturel, soulignant l’importance de la coexistence pacifique entre les différentes religions en Tunisie.
Rénovation de la Bibliothèque Gaston Karila
L’après-midi a été consacrée à la véritable inauguration de l’espace de mémoire judéo-nabeulienne situé dans la Bibliothèque Gaston Karila rénovée, construite en 1919 et fermée depuis 1968. La bibliothèque porte le nom de Gaston Karila, membre d’une des familles juives les plus influentes de Nabeul et décédé à l’âge de 25 ans en 1918 des suites de la grippe espagnole.
La rénovation de ce bâtiment historique a été rendue possible par Albert Chiche, 73 ans, le dernier Juif restant à Nabeul, qui à lui seul a levé des fonds sur Facebook pour rénover et réhabiliter l’ancienne bibliothèque et en faire un espace dédié à la mémoire juive de ce ville.
Les Tunisiens juifs et non juifs ont contribué financièrement à la rénovation, témoignant de la valeur que tous les Tunisiens accordent à leur patrimoine culturel diversifié et commun. Les visiteurs ont parcouru les lieux riches en artefacts donnés par la diaspora juive de Nabeul mettant en valeur la riche histoire des Juifs dans cette ville.
Chiche espérait que cet effort encouragerait les efforts futurs pour entretenir le cimetière confessionnel situé à la sortie de la ville et la synagogue délabrée située à quelques mètres seulement de la Bibliothèque.
La ziara du rabbin Yaaqoub Slama
Cet événement s’est conclu par une visite (ziara) au cimetière juif de Nabeul de la tombe de Saddiq (Juste) Rabbi Yaaqoub Slama, érudit talmudiste de Tunis décédé en 1774 et dont la tombe est le lieu d’un pèlerinage annuel.
Tout au long de la journée, le Laboratoire Régions et Ressources patrimoniales de Tunisie de l’Université de Manouba et l’Asor ont offert des trophées aux personnes qui ont rendu cet événement possible. Dans la matinée, deux prix ont été remis à deux juifs de Nabeul en reconnaissance de leur travail de préservation de la mémoire juive : Albert Chiche et Monique Hayoun, ingénieure logiciel vivant entre Paris et Nabeul et profondément impliquée dans les efforts de sensibilisation au patrimoine juif.
Au cimetière juif, deux autres trophées ont été remis à Gozlan Azria, un Juif de Gabès décédé en janvier dernier, et à son fils, Guy Azria, un voyagiste qui organise des visites de mémoire en Tunisie. Guy a organisé les détails du voyage de 50 Juifs venus spécialement pour la ziara du rabbin Yaaqoub Slama.
Source : Asor.
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