Tunisie-Libye : Où est passée la zone de libre-échange frontalière ?

La zone de libre-échange prévue par la Tunisie à Ben Guerdane est au point mort alors que des projets similaires en Libye ont avancé. Si les autorités tunisiennes agissent rapidement pour revitaliser le plan, elles peuvent stimuler l’économie et donner de l’espoir à la population frontalière marginalisée (Résumé traduit de l’anglais d’une étude réalisée pour le Carnegie Middle East Center, Liban). (Illustration: souks, dépôts et boutiques de change à Ben Guerdane).

La zone de libre-échange prévue par la Tunisie à Ben Guerdane est au point mort alors que des projets similaires en Libye ont avancé. Si les autorités tunisiennes agissent rapidement pour revitaliser le plan, elles peuvent stimuler l’économie et donner de l’espoir à la population frontalière marginalisée (Résumé traduit de l’anglais d’une étude réalisée pour le Carnegie Middle East Center, Liban).  

Par Hamza Meddeb *

En 2012, la Tunisie a annoncé la création d’une zone franche et logistique à Ben Guerdane, près de la frontière libyenne. L’objectif est de développer les régions frontalières marginalisées du sud-est et de formaliser les acteurs économiques informels.

Cependant, le plan est au point mort en raison de la résistance institutionnelle, des divisions politiques et d’une incapacité à exploiter les rivalités géopolitiques internationales. Si cela persiste, le projet pourrait devenir inutile en raison de l’émergence de zones franches en Libye, privant la Tunisie des revenus dont son économie en difficulté a besoin.

Une solution pour la détresse des populations frontalières

La région frontalière tuniso-libyenne a longtemps reposé sur le commerce transfrontalier informel. Cela était toléré car cela renforçait la stabilité sociale dans une région pauvre.

Les soulèvements tunisien et libyen de 2010-2011 ont perturbé l’économie frontalière. Un paysage sécuritaire fragmenté en Libye, l’érosion des chaînes d’approvisionnement et des mesures de sécurité musclées aux frontières tunisiennes ont exacerbé la détresse de la population frontalière, poussant les autorités à proposer la zone de libre échange de Ben Guerdane comme solution.

La zone franche vise à moderniser les infrastructures de commerce et d’investissement, à générer un développement économique régional et à encourager les entrepreneurs de l’économie informelle à formaliser leurs activités.

Le projet a subi de multiples retards causés par ses lacunes conceptuelles, les négociations sur les droits de propriété, la résistance institutionnelle liée aux incitations fiscales et aux réglementations monétaires dans la zone franche, les rivalités entre les élites économiques et l’ambiguïté autour de la participation de la Tunisie à la concurrence internationale sur les routes commerciales méditerranéennes.

Les autorités tunisiennes doivent relancer au plus vite le projet pour capitaliser sur le potentiel économique de la Tunisie et redonner espoir à la population de la zone frontalière.

Pour une stratégie de formalisation de l’économie informelle

La Tunisie a un besoin urgent d’élaborer un cadre réglementaire et incitatif attractif pour la zone franche de Ben Guerdane afin d’attirer les investisseurs tunisiens et étrangers. Son succès dépendra également d’une stratégie crédible de formalisation de l’économie informelle, car les principaux biens faisant l’objet d’échanges informels – l’essence et les cigarettes – ne seront pas couverts par la zone franche.

L’incapacité à positionner la Tunisie dans un environnement régional et mondial compétitif – un positionnement que ladite zone franche fera progresser – exacerbera les difficultés économiques tunisiennes. Jusqu’à présent, cependant, la Tunisie a été secouée par des rivalités entre la Chine et les États occidentaux.

L’un des éléments de ce positionnement régional et mondial est d’avancer dans l’identification d’un opérateur international privé stratégique pour investir dans la zone franche. Ce processus est reporté depuis 2015, alors que le temps presse, car les villes de l’ouest de la Libye sont également engagées dans des projets similaires, Misrata ayant déjà établi une zone franche dynamique et Zouara prévoyant de le faire. La poursuite des progrès en Libye pourrait bientôt rendre le projet Ben Guerdane hors de propos.

Hamza Meddeb est chercheur non résident au Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center à Beyrouth, où ses recherches portent sur la réforme économique, l’économie politique des conflits et l’insécurité frontalière au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Lire l’étude dans sa version intégrale en anglais sur le site du Carnegie Middle East Center.

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