Alors que perspective peu réjouissante d’un conflit nucléaire est devenue désormais probable, on ignore encore quelle sera la réaction des Etats-Unis quand la Russie aura anéanti l’armée de Zelensky, rayé quelques villes ukrainiennes de la carte, ou en aura détruit quelques-unes des neuf centrales nucléaires en service.
Par Dr Mounir Hanablia *
La Russie a perdu deux importantes batailles en deux semaines dans l’Est de l’Ukraine. La dernière est survenue à Lysansk, dont Poutine avait annoncé un jour auparavant l’annexion. L’éventualité de la victoire ukrainienne sur le champ de bataille (conventionnel) avec l’aide américaine est devenue une perspective raisonnable et la dernière mobilisation des réservistes russes n’a pas amélioré le climat qui règne dans le pays.
On aura beau dire, la guerre en Ukraine n’a pas plus de fondements juridiques que celles qui avaient été menées par les Américains en Irak en 2003 ou les Israéliens en juin 1967.
Ordre international ou ordre impérial
Fait rare, c’est donc en principe une victoire du droit international qui se dessine. Cependant, c’est encore fois l’ordre impérial mondial garanti par les Américains qui risque d’en sortir vainqueur, autant avec l’affaiblissement de la Russie qui ne peut plus exporter son gaz après les explosions qui ont frappé les deux gazoducs Nord Stream avec le catastrophique dégazage de méthane en résultant, que l’accroissement de la dépendance européenne par rapport aux Etats-Unis, particulièrement dans le domaine énergétique. Les Européens subissent la flambée du prix du gaz et sont convaincus par leurs dirigeants de devoir passer l’hiver sans chauffage.
En réalité, il semble que ces restrictions soient en rapport avec les nécessités du moment jugées plus importantes que le bien-être des populations, le financement de l’effort de guerre en Ukraine.
Les Américains avec le soutien de leurs alliés se révèlent capables de mener une guerre victorieuse par procuration contre la Russie avec la perspective triomphale d’abattre le régime de Vladimir Poutine au moment même où ils tiennent en respect la Chine dans le détroit de Formose.
La Russie mise sur le long terme
Cependant, l’histoire démontre que la Russie a toujours joué sur le long terme. Depuis la principauté de Moscou sous le joug mongol jusqu’à Ivan le terrible qui avait mis fin au Khanat tatar de Kazan et Boris Godounov qui avait délivré une charte aux marchands russes pour occuper et exploiter la Sibérie, la Russie avait été en perpétuelle expansion.
Pierre Ier avait d’abord perdu contre Charles XII de Suède à Varna mais il avait fini par abattre la puissance suédoise à l’issue de la Grande Guerre du Nord.
Alexandre II avait été battu par Napoléon Bonaparte qui avait détruit Moscou mais les Russes avaient finalement accablé les armées françaises et la campagne de Russie avait abattu la puissance française d’une manière décisive.
La Russie lors de la première guerre mondiale avait abandonné les Etats baltes et la Finlande et s’était maintenue en Ukraine après la terrible guerre civile entre les Rouges et les Blancs soutenus par l’Entente et la Pologne.
Finalement après la seconde guerre mondiale elle avait récupéré les territoires abandonnés et occupé la moitié de l’Europe et la Mandchourie en Extrême Orient. Elle avait de nouveau reflué en 1991, vers des frontières moindres par rapport à celles de 1917, et en 2022 elle tente de nouveau de regagner le terrain perdu.
La politique russe de flux et de reflux
C’est dans une perspective dynamique de l’Histoire qu’il faut donc appréhender la politique russe de flux et de reflux. L’Ukraine et la Crimée avaient été conquises par les armées de la Grande Catherine sur l’empire Ottoman au XVIIIe siècle. Pour la Russie, l’Ukraine a d’abord constitué une menace puisque plusieurs révoltes contre le pouvoir tsariste y avaient éclaté et certaines avaient abouti à l’encerclement de Moscou, et même à sa prise. Il n’est qu’à lire le récit du Temps des Troubles pour le réaliser. Qui plus est, l’Ukraine constitue le passage obligé vers la Mer Noire et il ne paraît pas raisonnable de penser que le seul accès vers le Bosphore et la Méditerranée soit ainsi abandonné aux mains d’une souveraineté étrangère, même si la Russie est battue sur le champ de bataille. Cela démontre combien dans l’actuel conflit en cours, les enjeux sont élevés.
Pour les Américains, il n’est pas question de remettre en cause les résultats stratégiques issus de l’écroulement de l’Union Soviétique en 1991. La situation actuelle, à savoir l’échec militaire de l’armée russe, constitue donc une impasse, dont Poutine essaie de se sortir en tablant sur le nationalisme de son peuple. Il s’agit de convaincre l’opinion publique que, comme au temps de l’invasion nazie, la Russie soit désormais en danger et qu’elle ait le dos au mur. La mobilisation générale n’a apparemment pas d’autre perspective que de convaincre la population russe que les frappes nucléaires tactiques soient inévitables pour renverser le cours de la guerre et sauver la Russie. Le président du régime collaborationniste tchétchène Ramzan Kadyrov, plus royaliste que le roi, a ainsi pour une fois eu toute latitude de l’exiger. Et les commentaires des journalistes européens banalisant les perspectives de l’usage de l’arme nucléaire par la Russie démontrent assez la tendance qui prévaut dans les brain-trust occidentaux.
La politique américaine avec la collaboration d’un gouvernement fantoche ukrainien aboutit donc à cette perspective peu réjouissante d’un conflit nucléaire désormais probable, qui ne fera que compliquer le dérèglement climatique global. On ignore encore quelle sera la réaction de la Maison Blanche quand la Russie aura anéanti l’armée, rayé quelques villes ukrainiennes de la carte, ou en aura détruit quelques-unes des neuf centrales nucléaires en service. A la grâce de Dieu !
* Médecin de libre pratique.
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