Les élections en Tunisie : théâtre d’ombres, écran de fumée et poudre aux yeux

Vidées de leur signification citoyenne et de leur portée pluraliste et démocratique, les élections sont en passe de devenir en Tunisie un simple dispositif d’apparat pour berner des citoyens résignés et consentants.

Vidées de leur signification citoyenne et de leur portée pluraliste et démocratique, les élections sont en passe de devenir en Tunisie un simple dispositif d’apparat pour berner des citoyens résignés et consentants.

Par Imed Bahri

Les restrictions «excessives» et «abusives» imposées aux partis politiques confirment l’illégitimité des prochaines élections législatives, prévues le 17 décembre, a déclaré, mardi 4 octobre 2022, Issam Chebbi, le secrétaire général du parti Al-Joumhouri.

«Serrer l’étau sur les partis politiques, les empêcher de participer aux élections législatives et de financer leurs candidats, prouve que les prochaines élections ne sont pas légitimes», a-t-il déclaré à l’agence Tap.

Le pluralisme politique menacé

Pour lui, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) «fonctionne selon l’agenda du président Kaïs Saïed. Elle vise à abolir le pluralisme politique et l’esprit démocratique.»

Le parti Al-Joumhouri, rappelons-le, avait déjà annoncé qu’il boycottera les élections législatives anticipées du 17 décembre, parce que les conditions minimales d’une consultation libre et pluraliste ne sont nullement réunies et qu’en vertu de la nouvelle constitution, promulguée le 25 juillet dernier, unilatéralement et sans aucun débat, par le président de la république Kaïs Saïed, la prochaine assemblée aura des prérogatives très limitées et n’assurera aucun contrôle réel sur l’exécutif.

Issam Chebbi s’exprimait en réaction aux déclarations du porte-parole de l’Isie Mohamed Tlili Mansri sur le financement des campagnes électorales, dans lesquelles il expliquait l’expression «fonds privés» mentionnée dans la nouvelle loi électorale, promulguée, le 15 septembre dernier, elle aussi unilatéralement et sans aucun débat, par un décret signé par le président Saïed, dont l’hostilité envers les partis est de notoriété publique et qui ambitionne de mettre en place un système politique sans contre-pouvoirs et, surtout, sans partis.

Mansri a expliqué que les «fonds privés» désignent le financement des candidats par des particuliers, ajoutant que ce type de financement ne s’applique pas aux partis et aux organisations, ce qui, on l’imagine, facilitera le clientélisme et la corruption. Mais cela ne semble poser aucun problème pour Mansri et ses collègues de l’Isie, qui apparaissent comme de simples techniciens des urnes qui font du «sur mesure».  

De la poudre aux yeux

Rappelons, à ce propos, que l’Isie a tenu jeudi dernier une séance de travail avec un représentant de la Banque centrale de Tunisie consacrée aux «mesures et dispositions appropriées à prendre à la lumière de la nouvelle loi électorale, et les moyens de rationaliser les procédures liées à l’ouverture d’un compte bancaire unique pour les candidats dans les circonscriptions électorales en Tunisie et à l’étranger.»

Poudre aux yeux et précautions inutiles s’il en est, puisque les abus financiers constatés lors des précédentes élections n’ont pas donné lieu à des sanctions, alors qu’ils étaient dument documentés par la Cour des Comptes.

De là à penser que les élections sont en passe de devenir en Tunisie un simple dispositif d’apparat pour berner des citoyens résignées et consentants, il y a un pas que plusieurs observateurs font volontiers.

Les dictatures, on le sait, profitent de la fatigue démocratique et du sentiment que rien ne change et que tout se dégrade pour s’installer à nouveau, sans même se prévaloir de programmes ni même de simples promesses : ça passe comme une lettre à la poste. Kaïs Saïed est en train de nous en fournir un exemple éloquent.

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