Dans son discours d’ouverture du 18e Sommet de la Francophonie, aujourd’hui, samedi 19 novembre 2022, à Djerba, le président de la république, Kaïs Saïed, a déclaré: «Nous n’avons aucun problème avec les langues étrangères», ajoutant : «Ibn Khaldoun, Al-Jahiz et de nombreux érudits et philosophes arabes ont parlé de l’importance de l’ouverture aux autres langues.»
Le chef de l’Etat semblait répondre ainsi aux nationalistes arabes, membres de sa famille politique, dont beaucoup affichent une hostilité épidermique à la langue française et à la France, et n’ont pas apprécié la tenue du Sommet de la Francophonie en Tunisie.
Est-ce pour montrer qu’il n’est pas le professeur de droit froid et revêche qu’on peint souvent que le président tunisien a tenu à montrer qu’il s’y connaît aussi en linguistique qui, selon lui, «appelle à étudier les langues dans leur évolution à travers le temps et les changements qu’elles subissent du fait de l’influence des changements sociaux et des contacts avec les autres langues» ?
M. Saïed, dont les choix littéraires sont plutôt classiques, a indiqué que dans son dictionnaire français préféré Le Littré en l’occurrence, il n’y a pas de terme «francophone», soulignant que ce terme n’est apparu qu’à la fin du XIXe siècle, une ère bien révolue après l’émancipation des peuples et l’incarnation des principes de liberté et de justice pour l’ensemble de l’humanité. «Nous n’avons aucun complexe envers les langues étrangères. Ibn Khaldoun, Al Jahiz et autres penseurs et sociologues arabes ont parlé des langues et des apports des unes aux autres. avec la revendication de la libération des peuples», a-t-il dit.
«Albert Camus disait que la langue française est sa patrie. Et je dis, à l’occasion du soixantième anniversaire de la fondation de l’Organisation internationale de la Francophonie, que la langue arabe est ma patrie», a lancé le président Saïed, comme pour lever tout équivoque sur l’attachement des Tunisiens à leur identité arabe, au risque de faire grincer quelques dents parmi les présents, qui pourraient prendre cette profession de foi du président tunisien comme un «pied dans le plat». Le moment et le contexte étaient-ils vraiment bien choisis ? Qu’on nous permette d’en douter…
Comme quoi, chassez le nationaliste arabe, il revient au galop.
I. B.
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