Les potins du cardiologue : petite histoire de l’angioplastie coronaire, du ballon aux ambitions

Si elle remonte loin dans l’histoire de la médecine occidentale, l’angioplastie coronaire, intervention qui consiste à traiter une artère coronaire rétrécie, a connu son réel essor au cours des vingt dernières années, en profitant des avancées concomitantes de la médecine et de la technologie. Mais tout n’a pas été simple…  

Par Dr Mounir Hanablia *

L’histoire de l’opacification des artères remonte à la fin du XIXe siècle et les sondes d’opacification qui meublent aujourd’hui les étagères des salles de cathétérisme (Cournand, Judkins, Amplatz, Fogarty, etc.) sont les ultimes réminiscences des différentes étapes de la progression du cathétérisme. Mais c’est Charles Dotter qui le premier a réalisé en 1963, selon lui accidentellement, une désobstruction d’une artère fémorale bouchée, alors qu’il opacifiait une artère rénale sténosée, de calibre réduit.

Tout n’a pas été simple

Depuis sa première pratique en 1977 à San Francisco, par Andréas Gruentzig, un médecin allemand de Zurich beaucoup plus physiologiste, chimiste, et ingénieur, que médecin ou cardiologue (en Allemagne ce sont les internistes qui se spécialisent ensuite en cardiologie), dont le patron ne voulait pas entendre parler de nouvelles techniques, l’angioplastie coronaire a révolutionné la cardiologie, c’est  le cas de le dire.

L’idée était d’introduire cette technique utilisée pour désobstruer les artères de gros calibre des membres inférieurs (fémorales, iliaques), afin de dilater les rétrécissements sur des artères beaucoup plus petites, celles du cœur. 

Pourtant tout n’a pas été simple et il a fallu une vingtaine d’années afin que cette technique devienne fiable avec l’avènement des prothèses endovasculaires (stents) et surtout avec les médicaments prévenant la formation de caillots dans leur lumière (anti agrégants plaquettaires).

Avant cela, l’angioplastie coronaire qui utilisait uniquement le ballon déployé sur les réductions de calibre de plus de 70%, avait été une technique sérieusement handicapée par deux complications : l’occlusion aiguë de l’artère par rupture interne (dissection), et la formation de caillots pendant les procédures, ou bien la resténose, qui est la réapparition de la réduction de calibre initialement traitée, quelques jours à quelques semaines après la procédure (50% des cas ). Le risque était tel qu’il était obligatoire de laisser une salle opératoire en attente (stand by) pour l’éventualité d’un pontage coronaire en urgence (implantation chirurgicale d’un greffon sur l’artère coronaire) dont le taux de mortalité était important.

La révolution des stents

Mais à la fin des années 90, l’amélioration du matériel utilisé (stents préalablement sertis sur ballons) et la mise sur le marché de la Ticlopidine ont pratiquement éliminé les risques procéduraux liés à l’utilisation des stents tout en diminuant la fréquence de la resténose. Et cette dernière complication est devenue à son tour négligeable avec l’apparition des stents dits actifs, le premier étant le stent au nom (biblique) de Cypher, enrobés de médicaments empêchant la prolifération des cellules dans les artères.

Évidemment, il a fallu beaucoup d’audace de la part de tous ces médecins qui les premiers se sont aventurés sur un terrain inconnu comme des équilibristes, sans filets de protection, uniquement sur le constat empirique de la nécessité d’une désobstruction des artères bouchées afin d’éviter les gangrènes ou les infarctus.

Surtout, il a fallu toutes ces grands essais sans ou avec groupes témoins (TIMI, Stress, Benestent) ainsi que tous les registres d’études dans différents pays, afin de valider scientifiquement leurs découvertes et permettre à l’industrie médicale et pharmaceutique sans qui rien n’aurait pu se faire, d’avancer.

Par la suite, les indications des stents se sont développées et désormais elles couvrent les diabétiques qui étaient exclusivement justiciables de la chirurgie, et le pontage coronaire devient non plus une indication, mais un recours uniquement lorsque l’angioplastie coronaire est récusée.

Les «victimes collatérales» du Cypher

L’apparition sur le marché du Cypher au début des années 2000 avait elle aussi provoqué des effets secondaires, du moins dans notre pays. Elle avait donné libre cours aux ambitions, et marqué le coup d’envoi d’une course au monopole exclusif de l’utilisation, que tous les initiés connaissent et préfèrent taire. Les caisses de prestation sociale avaient dans un premier temps pendant quelques années très sagement refusé d’assumer le remboursement des stents actifs étant donné leur coût prohibitif, jusqu’à ce qu’un jour, une personnalité politique du parti alors au pouvoir soit sauvée de la mort grâce à l’implantation d’une de ces prothèses endovasculaires. 

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, l’usage tous azimuts des stents actifs, qui en avait résulté, n’avait pas peu contribué à ruiner l’hôpital public et les caisses d’assurance maladie, dont il conviendra aux générations futures d’écrire un jour les péripéties.

Aussi, quand de jeunes ambitions prétendent réunifier la profession pour les besoins de leurs propres succès électoraux à la tête de la société savante, c’est toujours avec une pointe de circonspection qu’on ne peut s’empêcher d’y prêter attention.

* Médecin de pratique libre.

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