Tunisie : «L’effondrement de Kaïs Saïed n’est pas imminent», estime ‘‘Le Monde’’

Commentant, dans son éditorial d’hier, mardi 31 janvier 2023, le fort taux d’abstention (89%) au second tour des législatives organisées en Tunisie deux jours auparavant, le quotidien français ‘‘Le Monde’’ parle de «l’inquiétant désenchantement démocratique» dans notre pays.

«Il y a quelque chose de déprimant à constater, scrutin après scrutin, la léthargie électorale dans laquelle s’affaisse la Tunisie. Cette société d’Afrique du Nord qui avait tant fasciné il y a plus d’une décennie par son rôle pionnier dans la vague des ‘‘printemps arabes’’, laboratoire d’une expérience démocratique unique dans la région, est en train de battre les records mondiaux de l’abstention aux élections», écrit Le Monde, ajoutant qu’entre désintérêt, fatalisme, démission ou boycottage militant, «la Tunisie semble se déliter inexorablement dans une anomie citoyenne, cette dissolution des cadres d’appartenance à une communauté politique, grosse de dangers.» La cause en est, selon le quotidien français, «l’aventure personnelle dans laquelle Kaïs Saïed embarque le pays depuis son coup de force de juillet 2021».

«Derrière son populisme rhétorique, le chef de l’Etat s’est enfermé dans un pouvoir personnel chaque jour plus étriqué. Il opère dans une bulle irréelle où l’incantation tient lieu d’action, où la pensée magique – teintée de messianisme – vaut projet politique. D’un côté, il se révèle impuissant à relever une économie au bord de la faillite, suspendue à la perspective d’un sauvetage du Fonds monétaire international. D’un autre côté, sa dérive autocratique n’en finit pas de déchirer le pacte démocratique qui avait été scellé, certes sur un mode imparfait, au lendemain de la révolution de 2011. La désertion des urnes prend là sa source. A quoi bon aller voter pour une Assemblée qui sera largement impotente ?», écrit encore le journal, qui ne voit pourtant pas dans cette situation le prélude à l’effondrement imminent de Kaïs Saïed. Et pour cause, explique-t-il, «les partis d’opposition sont encore trop disqualifiés pour prétendre offrir une relève crédible à court terme. Les organisations de la société civile, qui semblent se réveiller autour du syndicat UGTT, ont encore bien du chemin à parcourir pour renouer le contact distendu avec le peuple.»

Le journal ne voit pas non plus les chancelleries occidentales lâcher de sitôt Kaïs Saïed, «au risque d’ouvrir un vide encore plus périlleux à leurs yeux.»

Le diagnostic est sans appel : la Tunisie va continuer à s’enfoncer dans la crise sans espoir de redressement dans le court terme. C’est la porte ouverte à l’inconnu que personne, pourtant, à l’intérieur comme à l’extérieur, ne voudrait affronter.

I. B.   

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