La tonalité altermondialiste des déclarations faites par le président de la république Kaïs Saïed, hier, jeudi 16 février 2023, lors de sa rencontre avec la Première ministre Najla Bouden Romdhane suscite quelques interrogations légitimes.
Par Imed Bahri
Evoquant la situation économique et sociale particulièrement difficile que traverse notre pays, le président à cru devoir s’en laver les mains («Ce n’est pas moi, ce sont les autres !») et se défausser sur ce qu’il considère comme le principal responsable : «La globalisation a atteint son apogée et s’est retournée contre elle-même», a-t-il déclaré. Et d’ajouter que «la solution ne réside pas dans la poursuite de l’appauvrissement des peuples ni dans leur soumission aux injonctions présentée comme une solution, alors qu’en vérité, elles continuent d’appauvrir et d’affamer…»
«C’est une nouvelle forme de colonisation. Nous sommes en mesure de faire de diagnostic de notre situation et d’en identifier les causes. Cette dégradation est le résultat des évolutions en cours dans le monde et de celles que la Tunisie a vécues au cours des dernières décennies», a encore déclaré M. Saïed, ajoutant : «Nous sommes capables de trouver les remèdes économiques et sociaux qui répondent aux attentes de notre peuple. Et s’ils veulent vraiment nous aider, qu’ils nous rendent nos fonds spoliés».
Y aller ou pas ?
Le président semble pointer du doigt les instances financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) que la Tunisie sollicite pour un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars, et qui exige, en guise de garantie, la mise en œuvre de réformes structurelles, notamment la levée progressive des subventions, la réduction de la masse salariale dans la fonction publique et la privatisation, partielle ou totale, des entreprises publiques.
Ce qui est d’autant plus étonnant et paradoxal, c’est que le président semble rejeter ces «injonctions» dont les coûts sociaux vont être nécessairement élevés, et il le dit à qui ? Il le dit à Mme Bouden qui, quelques jours auparavant, avait rencontré le directrice générale du FMI, Kristina Georgieva, à Dubaï, et lui a réitéré la demande tunisienne et son engagement à accélérer les réformes convenues. Ce qui a d’ailleurs été relayé par les médias nationaux et internationaux.
C’est à ne plus rien comprendre ! Car si le président ne veut plus compter sur les aides internationales, pourquoi continue-t-il à faire des appels du pied aux bailleurs de fonds via les autres représentants de l’Etat ? Et si le président a de bonnes idées pour sortir la Tunisie de sa crise financière asphyxiante actuelle, en comptant sur ses propres moyens, qu’attend-il pour les mettre en œuvre, car le temps presse et l’Etat est au bord de la cessation de paiement ?
La duplicité tunisienne
On comprend que le président puisse se sentir à l’étroit face à la double contrainte qui l’oblige à tendre la main à l’aide internationale, d’un côté, et de l’autre, à se soumettre aux «injonctions» des bailleurs de fonds où il voit une ingérence insupportable dans la décision souveraine de l’Etat tunisien. Mais ce qu’on ne comprend pas, en revanche, et que nos partenaires internationaux auront encore plus de mal à comprendre eux aussi, c’est cette duplicité du pouvoir en Tunisie qui tient un double discours : très libéral à l’extérieur, et altermondialiste à l’intérieur. Si l’on veut comprendre pourquoi les bailleurs de fonds, notamment le FMI, tout en étant convaincus de la nécessité de voler au secours des Tunisiens, hésitent toujours à le faire et reportent leur décision aux calendes grecques, il ne faut pas en chercher les raisons ailleurs que dans cette duplicité tunisienne.
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