Raja Ben Slama a été démise de ses fonctions à la tête de la Bibliothèque nationale de Tunisie. C’est elle qui l’a annoncé hier, lundi 20 février 2023, dans un post sur sa page Facebook. Et comme les autorités n’ont pas cru devoir expliquer les raisons de cette décision, on n’a pas tardé à y voir une… sanction politique. Et pour cause…
Par Imed Bahri
Certes, Raja Ben Slama est en poste depuis octobre 2015, et il est tout à fait légitime qu’il y ait une rotation à la tête des institutions publiques, qui ont besoin de sang neuf, de nouveau souffle et d’apports différents pour régénérer et se mettre à jour.
On peut aussi dire que l’universitaire est restée relativement longtemps à son poste où elle n’a d’ailleurs pas démérité. Elle était appréciée des employés de la maison et faisait l’unanimité parmi ses pairs : enseignants et chercheurs.
Un esprit trop libre
Elle a également réussi à protéger la Bibliothèque nationale des querelles idéologiques et des interférences politiques qui ont toujours agité la scène politique. Et ce n’est pas un moindre mérite dans le contexte post révolutionnaire. Et ce sont là de bonnes raisons pour qu’elle ne soit pas limogée de manière brutale comme elle l’a été, mais remerciée et honorée. Ce qui n’a pas été fait. Pourquoi ?
Ceux qui se sont posé cette question n’ont pas tardé à trouver la réponse. En effet, Raja Ben Slama, qui n’a jamais fait mystère de ses convictions démocratiques, n’a pas non plus la langue dans la poche. Elle n’a pas le profil terne et soumis de ces carriéristes carpettes qui pullulent dans l’administration tunisienne. Et si elle respecte toujours les règles et les formes dans l’exercice de ses fonctions administratives, elle ne se prive pas pour autant d’exprimer clairement ses positions vis-à-vis de ce qui se passe dans son pays et de dire tout haut ce que beaucoup d’autres disent tout bas.
Si Raja Ben Slama a été limogée sans ménagement et sans explication, et sans que son successeur n’ait été encore nommé comme le veut la tradition, c’est, on l’a compris, parce qu’elle a publié le post Facebook suivant en date du 14 février où elle fait part de sa «solidarité avec la radio Mosaïque et son directeur, ainsi que toutes les personnes qui ont été arrêtées suite à de vagues accusations», tout en soulignant son «rejet des accusations de complot contre la sûreté de l’Etat, la répression des opposants et l’assujettissement des médias».
Un limogeage brutal
Autant cette position honnête et courageuse honore cette intellectuelle digne et fidèle à ses convictions démocratiques, qu’on peut ne pas partager mais qu’on respecte, autant son limogeage brutal et injustifié déshonore ceux ou celles qui en ont pris la décision, avec toute la lâcheté que l’on connaît aux carriéristes de l’administration tunisienne, qui, eux, affichent rarement leurs convictions, si tant est qu’ils en ont.
Raja Ben Slama est une universitaire spécialiste de la civilisation arabe et psychanalyste. Elle va retrouver l’ambiance des amphis de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba et reprendre ses recherches qu’elle n’a d’ailleurs jamais abandonnées. Et c’est pour ainsi dire un juste retour des choses…
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