Lors d’un rassemblement ce matin, samedi 4 mars 2023, devant le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à la Place Mohamed Ali, à Tunis, le secrétaire général de l’organisation syndicale, Noureddine Taboubi, a déclaré que la centrale ouvrière «construit et ne détruit pas», répondant ainsi à ceux qui l’accusent d’avoir largement contribué à la crise que traverse aujourd’hui la Tunisie.
Par Imed Bahri
Tout en transmettant les remerciements des forces progressistes et des travailleurs aux fédérations syndicales à travers le monde pour leur solidarité avec l’UGTT, Taboubi a déclaré : «Le despotisme et la répression n’ont pas de place en Tunisie», dans une limpide allusion à ce que l’opposition qualifie de «dérive autoritaire» du président de la république Kaïs Saïed.
Taboubi a salué les militants des droits de l’homme et les activistes politiques actuellement incarcérés à la prison de Mornaguia, ainsi que les habitants des gouvernorats de Sfax et de Sidi Bouzid, qui organisaient au même moment des meetings et des marches de protestation, tout en rappelant que plusieurs organisations participent à la marche de organisée par l’UGTT aujourd’hui à Tunis, dont l’Union des diplômés chômeurs, et des représentants de plusieurs partis politiques.
«Nous sommes partisans de l’argument qui convainc»
Le leader syndical a aussi accusé le gouvernement de manipuler le procès-verbal d’un accord signé en novembre 2022 à propos de la hausse des salaires de 5% au profit des travailleurs des entreprises et établissements publics, hausse qui a été décidée dans de nombreux autres pays pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens après la forte hausse des prix consécutive à la guerre russo-ukrainienne.
Le gouvernement n’a pas voulu appliquer cet accord, a-t-il déploré, estimant que ce volte-face porte atteinte à la crédibilité de l’Etat dans la négociation avec les bailleurs de fonds internationaux.
Commentant les déclarations faites hier par le président Saïed, en recevant le ministre des Affaires sociales, Malek Zahi, à propos des événements syndicaux de 1977 et la confrontation entre l’UGTT et le pouvoir politique de l’époque, Taboubi a déclaré : «On aurait souhaité entendre un discours qui rassure et unifie le peuple. Mais on a eu droit à des messages codés qui diabolisent l’Union», ajoutant que l’avenue Habib Bourguiba, ou devait se tenir la marche de protestation des syndicaliste, est encerclé par les agents de l’ordre. «Nous sommes partisans de la protestation pacifique et civile et notre seule arme c’est l’argument qui convainc. Nous ne sommes pas partisans de la violence et du terrorisme», selon ses termes.
Le leader syndical a enchaîné en évoquant la vague de racisme contre les Africains subsahariens dont la Tunisie est le théâtre depuis plusieurs semaines : «La Tunisie est un pays de tolérance et non de ségrégation raciale», a-t-il dit, en rappelant que l’UGTT «a toujours exhorté les autres syndicats à travers le monde à défendre les émigrés tunisiens dans leurs pays respectifs et elle défend, elle aussi, pour sa part, les droits des émigrés résidents en Tunisie de manière légale».
Les spahis d’hier et d’aujourd’hui
Tout en soulignant l’indépendance de la centrale syndicale, Taboubi a déclaré qu’elle est toujours prête à affronter les défis de l’avenir, dans une allusion à ce qu’il a qualifié de tentatives pour lui porter atteinte. «Les spahis ont mangé dans les mains de l’UGTT, de Bourguiba, de Ben Ali et de Caïd Essebsi, et aujourd’hui, ils mangement dans celle du nouveau régime en place», a-t-il déclaré sur un ton ironique.
«La Tunisie est ballottée par les changements géopolitiques et elle est perçue dans le monde comme un pays quémandant des financements et des aides», a déploré le leader syndical, en affirmant que «le pays a besoin de raffermir son unité nationale, en rassemblant toutes les organisations de la société civile et les forces démocratiques autour de la table du dialogue national».
Il fait allusion ici à l’initiative de dialogue lancée par l’UGTT et trois autres organisations nationale (Conseil de l’ordre des avocats tunisiens, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux) en vue d’élaborer un plan pour sortir le pays de la crise qui engagerait toutes les parties, initiative fermement rejetée par le président Saïed : «Cette initiative a soulevé un tollé général, comme si c’était un crime, alors que son but est de sauver le pays», a-t-il déploré, en appelant les syndicalistes à ne pas répondre aux provocations d’où qu’elles viennent.
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