L’indépendance a-t-elle encore un sens pour les Tunisiens ?   

Certains politiciens et hauts responsables prétendument tunisiens s’évertuent à remettre en question l’indépendance nationale sous divers prétextes aussi fallacieux les uns que les autres. Cette remise en question pourrait être un indice du rejet de cette indépendance et une nostalgie de la domination étrangère. (Illustration : Habib Bourguiba, principal artisan de l’indépendance de la Tunisie et de la construction de son Etat moderne).

Par Elyes Kasri *

Le soixante septième anniversaire de l’indépendance de la Tunisie célébrée aujourd’hui, lundi 20 mars 2023, survient dans une atmosphère empreinte d’incertitudes croissantes sur la souveraineté et l’avenir du pays.

Au lieu d’inaugurer une nouvelle ère porteuse d’espoir et de prospérité, la révolution de la liberté de la dignité, le 14 janvier 2011, s’est avérée un véritable antonyme et s’est limitée à l’aspect physique de la révolution à savoir la rotation complète d’un corps mobile autour de son axe pour nous ramener à une atmosphère qui rappelle tragiquement la période précoloniale de faiblesse de l’Etat, d’effondrement des finances publiques, de fiscalité impopulaire et de concurrence des puissances étrangères notamment à travers la Commission financière internationale (1869) pour prendre le contrôle de la Tunisie et la soumettre à la domination étrangère avec l’instauration du protectorat français en mai 1881.

Nostalgie de la domination étrangère

Je me rappelle comme si c’était hier du journal télévisé de la Watanya 1 qui, en diffusant une séquence sur la célébration, le 20 mars 2013, par l’ambassade de Tunisie à Tokyo que je dirigeais, de la fête de l’indépendance tunisienne dans la ville japonaise d’Ishinomaki, dévastée par le tsunami du 11 mars 2011, par un festival culturel et gastronomique qui avait suscité un profond respect chez les autorités et citoyens japonais, avait omis de mentionner la fête de l’indépendance pour la qualifier de célébration de la journée de l’habit traditionnel. J’ai quitté définitivement Tokyo dix jours plus tard.

Certains politiciens et hauts responsables prétendument tunisiens se sont évertués depuis 2011 à remettre en question l’indépendance nationale sous divers prétextes aussi fallacieux les uns que les autres.

Avoir honte de célébrer l’indépendance nationale pourrait être un indice du rejet de cette indépendance et une nostalgie de la domination étrangère.

Un vieux proverbe recommande de faire attention à ses vœux car ils pourraient être exaucés.

Dans ce même contexte, et à force d’entendre parler de complots visant la Tunisie, on peut légitimement se mettre à en douter et craindre l’exagération même à l’évocation de l’accord secret Sykes-Picot (1916) de partage du Moyen-Orient et précurseur de la déclaration Balfour (1917) promettant un foyer national en Palestine aux juifs du monde avec les conséquences qui n’échappent à personne.

Le loup est dans la bergerie

Toutefois, ce qui semble se répéter récemment, sans démenti convaincant, laisse penser non seulement à un complot visant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Tunisie mais semble révéler les signes annonciateurs d’un réseau international quasi maçonnique bien implanté en Tunisie avec la partie visible de l’iceberg parvenue récemment à une haute position de responsabilité dans l’appareil de l’Etat.**

Nous avons peut-être trop souvent entendu crier au loup pour ne plus nous en alarmer outre mesure. Mais cette fois, il semblerait bien que le loup soit dans la bergerie. A un poste de responsabilité de surcroît.

* Ancien ambassadeur.

** Allusion à la vice-présidente de l’actuelle Assemblée des représentants du peuple, Saoussen Mabrouk, présentée dans les réseaux sociaux en tant que «ministre du Travail» d’un chimérique «royaume d’Atlantis», un réseau international de personnages interlopes aux desseins ambigus.      

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