ONG, génocide palestinien et droits de l’homme en Tunisie

La «théologie droit-de-l’hommiste» a été envahissante et disproportionnée. Ceux qui se sont fait berner par son discours ont vu en direct que les prétendus justiciers étaient en fait des bourreaux. A travers le génocide des Palestiniens, actuellement perpétré par l’Etat sioniste d’Israël. les masques sont tombés.

Par Mahmoud Gabsi *

De la déception au réveil des consciences : le génocide en cours à Gaza est un nouveau choc. Il a ouvert encore une fois les yeux sur les mensonges et l’hypocrisie qui sont constitutifs des relations internationales.

En matière de droits de l’homme, pendant très longtemps, le discours moraliste et idéaliste fallacieux des ONG qui sont postées à l’intérieur et à l’extérieur des pays ont trompé les peuples du monde. Surfant sur la vague et pour légitimer leur pouvoir, les Etats, les partis et les associations ont relayé des mensonges, qui chemin faisant se sont érigés en système de valeurs dits universels. Or ils sont au service d’une minorité. Ce matraquage n’a épargné personne. Du citoyen ordinaire à l’intellectuel, chacun a eu droit à ce lavage du cerveau. 

En Tunisie, chacun sait qu’il vit dans un pays qui est structuré par les lobbies, les mafias, la corruption et l’illégalité. Le boycott récent des urnes a démontré que le peuple a pris conscience qu’il a été trompé à maintes reprises. 

Les régimes politiques ont toujours instrumentalisé les droits de l’homme comme un outil de pouvoir. Et les Tunisiens en ont été les victimes à maintes reprises. Pour faire le lien avec l’international, ce qu’ils voient à Gaza, outre le fait que cela leur rappelle tous les pays musulmans détruits : Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, Liban et Yémen, mais cela les confronte surtout au lien qui existe entre mensonges et appauvrissement, puisque depuis 2011, le Tunisien s’appauvrit de jour en jour et ce, à cause des mensonges des uns et des autres.

Voici des exemples de mensonges…

Les droits de l’homme autoritaires: bien avant 2011, en Tunisie, le parti unique et la société civile qui lui étaient inféodée ont martelé les esprits par les droits d’un «Homme», dont tout le monde parlait, mais que personne ne voyait. Les libertés étaient muselées et la société était infiltrée, mais paradoxalement, toutes les instances officielles parlaient des droits cet «Homme». Cette schizophrénie était la règle et le pays s’en accommoda pendant 23 ans. Donc bien avant 2011, les Tunisiens étaient assommés par un discours creux. Pendant ce temps, Ben Ali et son clan ont pillé le pays. C’était un mensonge d’Etat.

Les ONG présentes à l’époque dans le pays, bien au fait des rapports de force en présence, n’avaient rien trouvé à redire face à cette société civile aux ordres. Etant des antennes de leurs ambassades respectives, comment pouvaient-elles procéder autrement? Quel était l’Etat qui n’a pas soutenu Ben Ali? Leurs cadres étaient choyés et vivaient dans le luxe. Une vie de nabab-toubab. Leurs activités politiques et sociales étaient marquées par le sceau de l’insignifiance. Des milliers de pages étaient publiées dans ce sens et tout allait bien. Et ça prêchait sans vergogne le «droit-de-l’hommisme». Encore un mensonge, mais qui vient de l’étranger.  

Les droits de l’homme «révolutionnaires»: puis vint 2011. La suite on la connaît. Les anciens, les nouveaux et les parachutés ont investi le champ politique. C’était «le filon». Or la politique est un métier, où l’apprentissage est dur et surtout coûteux. Et le pouvoir a été détenu par ceux qui ont prêché des droits de l’homme religieux et identitaires : les islamistes.

Mais pendant toute cette période, et à malin, malin et demi, le pays était scruté par des vautours qui étaient à l’étranger. Dans sa substance, le discours des ONG aux nouveaux maîtres du pays était le suivant : la révolution vous a permis d’accéder au pouvoir, mais il vous faudra compter avec nous. Et ce fut la ruée sur la Tunisie. L’Etat qui était censé contrôler les frontières a été délibérément affaibli. Les différentes obédiences, surtout d’Orient, mais aussi d’Occident, se sont implantées. Et Tunis était devenue la capitale arabe et musulmane la plus ouverte aux ONG. 

Et vu que le pays était dominé par les religieux conservateurs et les libéraux, la priorité a été donnée aux ONG qui s’inscrivaient dans cette mouvance réactionnaire. Or la révolution tunisienne était dans son essence populaire et progressiste. Donc durant toute la décennie noire, le pays a été gouverné par le mensonge. 

Les droits de l’homme orientaux: pour les Orientaux, qui étaient issus du courant islamiste-salafiste-wahhabiste, l’objectif essentiel était de faire échouer la révolution en brisant ce peuple singulier. L’objectif était de faire du pays une pâle copie des pays du Machreq, mais avec la richesse en moins. Et la porte a été ouverte aux religieux, aux prédicateurs, aux réactionnaires et aux ultras conservateurs de tous bords. Mais ce n’était qu’une façade, car il fallait déstabiliser le pays et le vider de sa substance en livrant ses richesses au prix le plus bas aux donneurs d’ordre.

Agissant en parfaits politiques, les parties tunisiennes qui ont introduit ces idéologies d’un autre âge n’ont pas oublié de leur filer le mot de passe : parlez du «droit de l’hommisme», mais islamiste. Et le mensonge n’aura duré qu’un temps. 

Les droits de l’homme occidentaux: les ONG politiques et d’opinion occidentales ont aussi profité de l’aubaine. Outre celles qui étaient déjà présentes dans le pays et qui ont changé de discours et de méthodes, les nouvelles ont été plus audacieuses. Elles ont vite compris que le pays était mal contrôlé. De ce fait, elles ont pénétré des sphères, où même les partis tunisiens n’osaient pas s’aventurer. Leur  champ prioritaire était le contrôle du pouvoir, les pressions sur le gouvernement, la sécurité, la législation, l’économie, le conditionnement des crédits… 

Le transfert technologique, l’implantation des grandes industries, les gros investissements, la numérisation… n’ont jamais été dans leurs priorités. Toutes les actions rentraient dans un agenda d’intérêts précis : saper la révolution et faire régresser la Tunisie révolutionnaire, en soutenant les partis obscurantistes. Il était hors de question qu’un peuple arabe et musulman parvienne à construire une démocratie viable. Le bluff d’Israël comme seule démocratie de la région devait perdurer.

Toutes ces actions étaient camouflées occasionnellement par l’événementiel culturel, artistique et social, mais rarement par le scientifique. Les Occidentaux évitent l’intellectuel tunisien. Et pour faire diversion, ces organisations verbeuses et propagandistes se cachaient derrière des slogans creux : citoyenneté, égalité, solidarité, transparence… Et voilà un autre mensonge, mais bien colonialiste et culturaliste celui là.

Le réveil est dur: le génocide palestinien démontre que les mensonges infligés ont été énormes. Ceux qui prêchent les droits universels sont en fait ceux qui exercent les plus grandes violences… illégitimes. 

Et les Tunisiens et d’autres peuples viennent de comprendre que les valeurs qu’on leur a inculquées ne s’appliquent qu’aux mêmes : ceux du Nord, donc blancs et judéo-chrétiens. 

Et ce n’est pas une seule génération qui est en colère, mais plusieurs. Ce n’est pas le grand Sud qui est déçu, mais une large partie de l’humanité. Et ce ne seront pas les ONG qui payeront le prix de ce réveil violent des consciences, mais beaucoup d’autres institutions camouflées. 

Pourquoi les ONG sont-elles aujourd’hui remises en cause? Parce qu’elles sont si proches des citoyens, alors que les gouvernements sont si lointains d’eux et si hautains. Entre faits et méfaits beaucoup d’entre elles étaient populaires. Les militants tunisiens sont spontanés et émotifs et ils viennent de découvrir un univers froid, calculateur et impitoyable. Ceux qui ont vendu l’espoir et la justice ont trahi la population civile palestinienne qui a été abandonnée de tous. Les habitants de Gaza sont massacrés par milliers par une barbarie «démocratique, morale et qui a le droit de se défendre». Or les agressions se font sur une terre volée à ses propriétaires. 

Aucune ONG étrangère, centre culturel et artistique, de langue, ou centre de recherches présents en Tunisie n’a manifesté le moindre signe de solidarité envers la Palestine! Ils sont tous alignés sur leur gouvernement qui soutiennent l’armée génocidaire sioniste. 

Conclusion : le propos n’est pas anti-ONG. De par leur constitution comme outil politique, elles ne peuvent être qu’impliquées. Un grand nombre d’entre elles appliquent leur charte et rendent de grands services à l’humanité. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain non plus. Néanmoins, le silence actuel de beaucoup d’ONG  face au génocide palestinien est impardonnable. Quelles en seront les conséquences?

Pour résumer, on serait tentés de dire: tout ça pour ça! C’est-à-dire des décennies d’activisme pour finalement trahir un peuple martyr et sans défense. Et cela constitue un mensonge de plus pour les Tunisiens.

* Sociologue à Tunis.

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