Décédé le 1er janvier 2024 à Tunis à l’âge de 81 ans, l’ancien militant démocrate et défenseur des droits de l’homme Khemais Chammari est une figure marquante de la gauche tunisienne sous Bourguiba et Ben Ali. (Illustration: le défunt décoré par l’ancien président feu Béji Caïd Essebsi, ici avec Mokhtar Trifi, l’un de ses successeurs à la tête de la LTDH).
Personnage haut en couleurs, querelleur, charismatique et homme de combat, Chammari a occupé le poste de secrétaire général et vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, de 1981 à 1994, et de vice-président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme, de 1983 à 1992. Il a également été co-fondateur et membre de l’Institut arabe des droits de l’Homme de 1989 à 1994.
Député du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), de 1994 à 1996, le défunt a payé fort le tribut de son engagement politique. Il a été emprisonné à plusieurs reprises sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali pour des motifs politiques et d’opinion en 1966, 1968, 1981, 1987 et 1995, et a également subi l’exil. «Je suis un député dépité», disait-il, en constatant la dérive autoritaire de Ben Ali après une courte période de relative ouverture sur l’opposition entre 1988 et 1992. Son franc-parler et ses entretiens avec les médias étrangers où il dénonçait cette dérive lui ont valu sa dernière incarcération et un exil forcé en France jusqu’à la fin du régime Ben Ali, période au cours de laquelle il a effectué de nombreuses missions internationales en tant qu’expert des droits humains.
Au lendemain de la révolution de 2011, Khemais Chammari a été nommé ambassadeur représentant permanent de Tunisie auprès de l’Unesco (de 2011 à 2013). Elu membre de l’Instance Vérité et Dignité en 2014, il en a aussitôt démissionné, refusant de travailler sous la présidence de Sihem Bensedrine pour laquelle il n’avait pas beaucoup d’estime.
Le 10 décembre 2018, à l’occasion la célébration du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, Chammari est décoré de l’Ordre national du mérite de la République tunisienne, «en reconnaissance de son parcours militant et pour sa contribution à la défense des droits de l’Homme et à la consolidation des principes de la démocratie».
Il a aussi été récipiendaire du Prix International de la Commission consultative française des droits de l’Homme en 1990 et du Prix International des droits de l’Homme de la ville de Nuremberg (Allemagne) en 1997.
Avec le décès de Chammari, c’est l’une des dernières pages du combat pour les droits et les libertés en Tunisie, au Maghreb et dans le monde arabe qui est tournée, alors que la fenêtre ouverte par le Printemps arabe semble être de nouveau fermée avec la fin de la parenthèse démocratique en Tunisie.
Imed Bahri
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