Digressions littéraires : Saint-Valentin

A l’occasion de la Saint-Valentin, la fête des amoureux célébrée le 14 février de chaque année, le poète tunisien résidant en France publie ce poème dédié à l’amour, mais qui bruit des fureurs d’une époque de violence et d’injustice.    

Par Tahar Bekri

J’aurais aimé t’offrir

des roses près de la fontaine

mais voilà on continue à tuer

à Gaza et Rafah et j’ai de la peine

pour les pétales qui tombent

avant de s’épanouir tant de haine

me fait pâlir et je fane.

J’aurais aimé t’offrir des roses

de mes joies pleines

mais voilà on tue en Ukraine

les fosses béantes

la terre de cendres en cendres

gémissante sous la pluie d’obus

les attaques soudaines.

J’aurais aimé t’offrir des roses

rouges blanches et jaunes

des brassées de chants

des paroles tendres comme des plaines

Mais voilà on élève des murs par centaines

On ferme les portes sans gêne

On laisse mourir les errants les nus

les affamés les naufragés les «chercheurs d’os»*

les dépouilles anonymes et la vie sans veine.

J’aurais aimé t’offrir des roses

comme des jardins d’Eden

leur fragrance par-delà les frontières

mais voilà des frères s’entretuent

dans les forêts et les savanes

ni fleuve tranquille ni désert amène

les vallées comme des tambours

dans les résonances qui se déchaînent.

J’aurais aimé t’apporter des roses

dans la lumière aimante

sans épines qui tiennent

les tiges dans ma main

vibrante et tienne

mais voilà la nuit couvre le jour

et il nous faut supplier l’étoile

de veiller sur la rosée pour consoler

nos roses de leur chagrin

essuyer leurs larmes comme des rivières.

Je t’apporte des roses

en dépit des mille haines.

Il nous faudra repousser leurs cris

attendrir le vent

protéger les graines

pour ne pas perdre pied

nous lever comme un amour

sentinelle de la vie

de l’Humanité entière

* « Les chercheurs d’os », titre d’un roman de Tahar Djaout.

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