En lice pour le Prix Comar : Lilia Zarrad ou le crépuscule du monde

‘‘A quoi rêvent les éléphants’’ est le titre du premier roman de la Tunisienne Lilia Zarrad, étudiante en France âgée de 20 ans (édité à compte d’auteur, novembre 2023, 209 pages).

Par Ridha Kefi

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un roman de science-fiction, même si le récit nous projette au milieu du 22e siècle et que l’atmosphère décrite par l’auteure est futuriste, mais le futur ici est sombre, inquiétant et plein d’incertitude : la planète Terre est partiellement dévastée; l’humanité, réduite à quelques milliards d’âmes, joue sa survie et invente sans cesse des moyens pour préserver ce qui reste du vivant : êtres humains, animaux, et plantes; le spectre d’une imminente disparition hante tous les esprits…

Une ambiance de fin du monde

Voilà pour le cadre de ce récit déroutant écrit par une auteure du 21e siècle – Lilia Zarrad est née en 2004 –, dont les préoccupations sont celles de ce siècle, essentiellement écologiques. La question n’est plus seulement de prémunir l’humanité contre la pauvreté, la famine et les guerres, comme ce fut le cas aux siècles précédents, mais de préserver l’air, l’eau, la terre, la vie, et d’éviter une apocalypse qui se fait imminente.

Dans cette ambiance de fin du monde, des questions aussi simple que celles de donner la vie, de s’occuper d’un enfant ou de donner à manger à un animal deviennent cruciales et problématiques, donnant lieu à des interrogations métaphysiques.

Dès les premières pages, on marche sur les pas d’un couple, Mira, qui vient de faire une fausse couche et a du mal à se remettre de sa blessure, et Sufjan qui, lui, soutient sa jeune épouse aux prises avec l’angoisse de la mort, tout en réprimant, au fond de lui, un irrépressible besoin de paternité.

En Inde, où le couple se rend, Mira, écrivaine et journaliste, veut réaliser un reportage sur le dernier éléphant encore vivant et dont les jours sont comptés, selon les dernières informations recueillies auprès du vétérinaire qui l’accompagne dans ce dernier voyage.

Finitude des êtres et des choses

Mira fait la connaissance de Rajneesh, le vétérinaire en question, qui lui permet de s’approcher de «Hannibal, un géant de trois tonnes, quatre mètres de hauteur, les défenses arrachées et quarante an de vie derrière lui», et l’aide ainsi à écrire son article sur les derniers jours de l’animal. Et par un curieux hasard, Sufjan, croise, de son côté, en déambulant seul en ville, Mahshid, une femme portant dans ses bras un enfant de quatre ans qu’elle lui confie et s’enfuit, croyant peut-être ainsi garantir à sa progéniture un meilleur avenir auprès de cet étranger.

Dans ce monde en déclin où les liens se disloquent, la présence de l’enfant provoque un drame au sein d’un couple qui s’interroge déjà sur le sens même de la vie, alors qu’une nouvelle grossesse nourrit angoisses, peurs et espoirs.

Le style minimaliste, les mots justes et sobres, l’atmosphère gris-noir d’un interminable crépuscule que décrit ce roman existentialiste – en ce sens où il s’interroge sur la finitude des êtres et des choses – annoncent la naissance d’une romancière qui fera sans doute parler d’elle à l’avenir.

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