La Tunisie entre souveraineté nationale et tutelle étrangère : au-delà des slogans…  

Avec une diplomatie visionnaire et agissante et une politique dépourvue des instincts qui évoquent les transes xénophobes de l’extrême droite européenne, la vague de migrants subsahariens en Tunisie pourrait devenir une opportunité pour montrer notre pays comme un carrefour de civilisations ouvert sur son continent.

Par Elyes Kasri *

Le transit ou séjour en Tunisie des ressortissants subsahariens mérite d’être abordé en dehors des élans émotionnels et des calculs électoralistes que ce soit en Tunisie ou en Europe, car la mobilité des personnes et les droits des migrants concernent également un Tunisien sur six si l’on compte la migration effective. Cette proportion pourrait grimper à un tunisien sur deux, si l’on compte le mal être et le rêve d’un meilleur avenir qui semblent animer un nombre vertigineusement croissant de Tunisiens.

La manière dont la migration subsaharienne en Tunisie sera appréhendée officiellement et populairement a de fortes chances de déterminer l’avenir de la société tunisienne et surtout le statut et la perception de la Tunisie sur le continent africain qui gagnerait à être considéré comme l’espace socioculturel de la Tunisie plutôt qu’une réserve pour des safaris commerciaux.

Il n’est pas excessif de considérer que chaque Subsaharien établi et, pourquoi pas, épanoui en Tunisie, pourrait être un pont avec son pays d’origine et contribuerait plus concrètement à l’ancrage de la Tunisie au continent auquel elle a donné le nom mais dont elle s’obstine paradoxalement à se démarquer en dépit de quelques déclarations ou caravanes commerciales qui trompent de moins en moins de monde.

Avec une diplomatie visionnaire et agissante et une politique dépourvue des instincts qui évoquent les transes xénophobes de l’extrême droite européenne, la vague de migrants subsahariens en Tunisie pourrait devenir, d’une menace que certains brandissent avec des relents parfois racistes, une opportunité pour montrer une Tunisie généreuse, carrefour de civilisations et ouverte sur son continent qui de toute évidence se réveille et ne tardera pas à consacrer son statut d’avenir de l’humanité.

Dans ce même contexte, le slogan de souveraineté nationale agité par certains a, décidément, atteint des sommets d’ambivalence depuis 2011, en faisant passer la Tunisie des velléités de tutelle ottomano-qatarie à ce qui commence à prendre pour certains, à tort ou à raison, l’allure d’un condominium algéro-italien, avec une tendance à devenir inquiétant pour certains et de moins en moins tolérable pour d’autres.

L’héritière de Carthage gagnerait à garder à l’esprit les péripéties, des plus heureuses aux plus sombres, de son histoire pour pouvoir bâtir un avenir digne et prospère pour ses citoyens.

Il n’y a pas de souveraineté et de dignité nationales sous l’aile de quelque puissance étrangère, sœur ou amie, surtout si l’histoire est riche d’épisodes incitant à la circonspection.

A fortiori, la politique internationale, surtout en cette époque de grandes incertitudes et de profondes mutations, dicte de considérer comme un principe cardinal ce qu’ont répété dans le passé de grands hommes d’État, à savoir que les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. [Et l’Italie, dont l’intérêt pour la Tunisie n’a jamais été aussi criard et tapageux que depuis qu’elle est confrontée à une augmentation des flux de migrants subsahariens vers ses côtes, n’échappe pas à cette règle, Ndlr].

* Ancien ambassadeur.

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