Le poème du dimanche : ‘‘Testament d’un rebelle’’ de Breyten Breytenbach

Né en 1939, à Bonnievale, dans le Cap, en Afrique du Sud, Breyten Breytenbach est poète, dramaturge et peintre. Ecrit en africann et en anglais.

Intellectuel engagé dès sa jeunesse contre l’Apartheid, il fut interdit de rentrer chez lui, après un séjour en France, où il épouse une Française d’origine vietnamienne. Milite au profit de l’ANC, le parti de Nelson Mandela et tente en 1975, un retour clandestin, il est arrêté et emprisonné pendant sept ans. Il écrit son emprisonnement dans Mémoires d’un terroriste albinos (Stock, 1984).

Libéré en 1982, il s’installe en France. Partage son temps entre Paris, le Sénégal et les Etats-Unis.

Tahar Bekri

donne-moi une plume

que je puisse chanter

que la vie n’est pas vaine

donne-moi une saison

pour regarder l »air dans les yeux

lorsque le pêcher vomit sa plénitude blanche

une tyrannie s’écroule

laisse pleurer les mères

laisse les seins se dessécher

lorsque l’échafaud sèvre pour la dernière fois

donne-moi un amour

qui ne pourrisse jamais entre les doigts

donne-moi un amour

comme celui que je veux te donner

donne-moi un cœur

qui batte sans arrêt

batte batte plus fort que le battement blanc

d’un pigeon craintif dans la nuit

battra plus sec que les plombs amers

donne-moi un cœur, une petite fabrique de sang

qui peut cracher

des fleurs de joie

car le sang est doux est beau

jamais vrai ou faux

je veux mourir avant d’être mort

lorsque mon sang est encore fertile

et rouge

avant que ne tombe la lie noire du doute

donne-moi deux lèvres

et de l’encre claire pour ma langue

qui ouvrira de lait

une grande lettre d‘amour pour la terre

qui sera de jour en jour plus douce

exorcisera toute l’amertume

qui brûlera plus doux comme l’été

laisse alors venir l’été

sans bandeau ni corbeau

laisse le pilori le pêcher

donner ses fruits rouges en paix

et offre-moi un lai

de colombes de satisfaction

qui puisse chanter de mon pis

que la vie n’est pas vaine

car comme je meurs les yeux ouverts

ma chanson rouge ne périra pas

22.2.1966

Traduit de l’afrikann par Georges-Marie Lory (‘‘Feu froid’’, Christian Bourgois Editeur, 1976).

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