Néji Jalloul, président du parti de la Coalition nationale tunisienne, a attendu longtemps avant de se décider à déclarer officiellement sa candidature à la présidentielle du 6 octobre 2024. Il l’a fait ce dimanche 7 juillet au cours d’une rencontre organisée par la coordination régionale son parti à Souk Jedid, gouvernorat de Siddi Bouzid, annonce Mosaïque FM.
Imed Bahri
Avant de se jeter dans l’arène, tout en sachant que la plupart de ceux qui l’ont fait avant lui sont soit en prison (Issam Chebbi et Abir Moussi) soit en liberté provisoire, étant poursuivis en justice (Nizar Chaari, Safi Saïd, Abdellatif Mekki et Lotfi Mraïhi), soit encore en exil à l’étranger (Mondher Zenaidi), l’historien, ancien ministre de l’Education et ancien directeur de l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites), a dû faire une analyse approfondie de la situation dans le pays et des chances qu’il aurait de voir sa candidature acceptée ou, plus difficile encore, aboutir à un succès électoral. Il n’en reste pas moins que l’annonce de sa candidature est à la fois un coup de poker et un coup de bluff.
Coup de poker ou coup de bluff
Coup de poker, d’abord, car si le pouvoir permet à Jalloul de concourir et de faire campagne pour la magistrature suprême, ce dernier profiterait de l’occasion pour pousser son avantage et prendre rendez-vous pour la présidentielle de 2029, celle de 2024 étant clairement déjà jouée et on ne voit pas ce qui pourrait empêcher Kaïs Saïed de se succéder à lui-même, qui plus est, avec un score meilleur que celui de 2019, qui était de 72%.
Coup de bluff, ensuite, car Néji Jalloul, qui ne tombe pas de la dernière pluie, sait que son image auprès des Tunisiens est quelque peu entachée par son implication dans la fameuse «décennie noire», dont il était l’une des figures de proue. Dirigeant de Nidaa Tounes, il était proche de feu Béji Caïd Essebsi et du fils de l’ancien président de la république, l’inénarrable Hafedh, dont les Tunisiens ne gardent pas un souvenir impérissable. Par ailleurs, son nom ne figure plus depuis plusieurs années dans le top 10 des personnalités politiques bénéficiant de la sympathie des Tunisiens. Et ce malgré ses fréquents passages dans les médias mainstream où il compte de nombreux amis.
Coup de tonnerre, coup fourré ou coup d’épée dans l’eau ?
Aussi, vanité et ambition mises à part, l’universitaire est-il bien placé pour savoir que ses chances face à Kaïs Saïed restent minimes. Il peut certes profiter du désert politique que ce dernier a installé dans le pays pour se repositionner à nouveau et se frayer une place dans le décor, mais il doit faire gaffe à ne pas trop s’exposer aux coups de griffes qui viendraient de toutes parts, y compris de sa famille politique, celle des démocrates progressistes. Et pour cause, y aller seul comme un grand et sans concertation avec les autres composantes de cette famille, au moment où des voix s’élèvent pour appeler à une candidature unique susceptible de peser face au président sortant, pourrait être perçu comme un coup fourré voire une trahison.
Quoi qu’il en soit, n’anticipons pas des guéguerres fratricides qui émietterait une scène politique déjà en miettes, et, surtout, ne mettons pas la charrue devant les bœufs. Attendons de voir si l’annonce de la candidature de Néji Jalloul sera suivie d’effet et ne finira pas comme un coup d’épée dans l’eau…