Le péché mortel de la gauche tunisienne, son hostilité aux réformes

La gauche a accédé au pouvoir à plusieurs reprises dans différents pays du monde. En Grande-Bretagne et en France, elle vient d’y revenir après une traversée du désert. En Tunisie, non seulement la gauche n’a jamais accédé au pouvoir, mais elle ne fait même pas l’effort de se demander pourquoi elle n’y arrive pas. C’est comme si elle se complaît dans cette marginalité qui semble appelée à durer encore longtemps.

Elyes Kasri *

Certains, grisés par l’euphorie des récents développements politiques en Europe, se sont mis à rêver qu’à l’instar du Royaume Uni et de la France, l’avenir de la Tunisie pourrait être entre les mains de la gauche.

La grande différence est que la gauche tunisienne n’a pas procédé depuis longtemps aux révisions et ajustements auxquels s’est soumise la gauche européenne au point qu’elle est devenue paradoxalement une force d’inertie contre les réformes et qu’elle a rejoint ainsi tacitement le bloc antiréformiste et conservateur des avantages extirpés lors des années de vache grasse (par rapport à la situation actuelle).

Le problème de la Tunisie, c’est qu’aucune force politique, et visiblement pas la gauche, ne semble en mesure, à part des généralités et des slogans idéologiques, de convaincre l’opinion publique de l’inévitabilité et même de l’urgence de réformes systémiques allant au-delà des défaillances et errements ponctuels afin de pouvoir assurer le plein emploi et une croissance économique durable et équitable, avantageusement ancrée dans l’économie mondiale.

Pour des considérations diverses, idéologiques ou politiques ou personnelles, le mot d’ordre tacite semble être de défendre les modes de gestion, les structures, les acquis et les privilèges du passé bec et ongles par corporatisme ou pour en éviter le coût politique et économique en faisant en sorte que ça ne puisse arriver qu’aux autres.

* Ancien ambassadeur.

Note de la rédaction : Il faut dire que les régimes qui se sont succédé en Tunisie depuis l’indépendance du pays en 1956, tous sociaux-libéraux de droite, n’ont pas facilité la tâche de la gauche en s’appropriant, souvent, ses revendications socio-économiques et son populisme. De même, beaucoup de figures de cette gauche, et des plus radicaux, ont souvent intégré, par opportunisme, les régimes qu’ils avaient commencé par combattre, perdant ainsi toute crédibilité aux yeux des citoyens. N’est-ce pas Mohamed Charfi, Dali Jazi, Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar et autres Taïeb Baccouche pour n’en citer que quelques uns. Les autres se reconnaîtront. Ce manque de cohérence finit par se payer.

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