‘‘Bonaparte prend le pouvoir’’ un coup d’Etat militaire au pays de la liberté, égalité et fraternité

Les véritables bénéficiaires du coup d’Etat de Napoléon Bonaparte, les 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799) furent les industriels et les commerçants en particulier français qui allaient avoir toute latitude pour étendre leurs affaires et multiplier leurs bénéfices à travers l’Europe, au grand dam des Anglais qui n’auraient de cesse, en usant de leur supériorité maritime, d’abattre la puissance française afin de rétablir leur hégémonie commerciale menacée.   

Dr Mounir Hanablia *

Napoléon Bonaparte n’a jamais été un démocrate. Étant général d’armées, à son retour de la désastreuse campagne d’Egypte, il s’était trouvé à la tête d’une conjuration dont le but était de se débarrasser de l’organe exécutif de l’époque, un comité de cinq membres appelé Directoire, et des deux chambres parlementaires dont ils étaient issus.

Les Directeurs héritiers de la vague révolutionnaire de 1789, réputés pour leur corruption, avaient trop mené de guerres en Europe contre les Prussiens et les Russes avec l’objectif d’étendre les frontières de la France jusqu’à l’embouchure du Rhin et à la Meuse au nord, la Suisse à l’Est et l’Italie au Sud, afin de frapper l’Angleterre dans sa force vive, son commerce. Naturellement, soumise elle-même à un blocus rigoureux par la marine britannique, ses capacités industrielles et commerciales s’en étaient ressenties. Son économie avait d’autant plus souffert que le pays était livré au terrorisme et aux soulèvements royalistes, au mécontentement des jacobins révolutionnaires évincés du pouvoir et dont le triomphe électoral avait été annulé. Le principe de la propriété privée était sans cesse remis en question par ceux que l’on nommait les partageux, et que leurs adversaires qualifieraient d’anarchistes.

Elections truquées

Les Directeurs s’étaient donc constitués beaucoup d’opposants en particulier les notables qui commençaient à se sentir menacés. Dans le même temps, ils ne s’étaient pas trop souciés de respecter les libertés démocratiques. Certes, ils avaient supprimé le suffrage censitaire, mais dans les républiques sœurs, la Suisse, l’Italie, la Hollande, ils n’avaient pas hésité à truquer les élections afin de favoriser le parti pro-français.

Bonaparte devait donc composer avec toutes ces oppositions auxquelles il fallait ajouter celles de ses propres collègues, les généraux de l’armée, en particulier Moreau, le commandant de la place de Paris, et Bernadotte, le ministre de la Guerre, tous deux proches des Jacobins. Mais pour accéder au pouvoir il avait besoin d’un minimum de coopération des structures anciennes afin de sauvegarder une apparence de légalité.

C’est ainsi qu’on argua de la découverte d’un complot anarchiste pour obtenir par les députés le transfert de leur assemblée de Paris à Saint-Cloud. Là il fut facile, devant leur refus de modifier le régime politique, de les faire expulser par les soldats soumis à l’autorité de leurs généraux, puis d’obtenir les pouvoirs nécessaires grâce aux votes de quelques uns parmi eux réunis à la hâte et peu désireux d’encourir les foudres de l’homme fort du nouveau régime qu’ils venaient d’instaurer, et qui serait connu sous le nom de Consulat.

Discuter avec les insurgés

Quelques Royalistes allaient dans un premier temps se méprendre sur ses intentions en pensant qu’il rétablirait la royauté. Et lui-même n’hésiterait pas à discuter avec quelques-uns des insurgés royalistes de la Vendée, ce dont De Gaulle s’inspirerait plus tard pour recevoir quelques uns des chefs du FLN Algérien dans ce qui serait connu comme l’affaire ‘‘Si Salah’’.

Il y aura eu à cet égard plusieurs similitudes entre la politique algérienne de la France et celle qu’avaient adoptée les révolutionnaires français dans les pays de l’Europe occupée, trafiquant les élections au profit des collaborateurs de l’Occupation.

En fin de compte, les véritables bénéficiaires du coup d’Etat de Napoléon Bonaparte furent les industriels et les commerçants en particulier français qui allaient avoir toute latitude pour étendre leurs affaires et multiplier leurs bénéfices à travers l’Europe, au grand dam des Anglais qui n’auraient de cesse, en usant de leur supériorité maritime, d’abattre la puissance française afin de rétablir leur hégémonie commerciale menacée.   

Médecin de libre pratique.

‘‘Bonaparte prend le pouvoir’’, de Jean-Paul Bertaud, collection ‘‘1799. La mémoire des siècles’’, éditions Complexe, Paris, 1er janvier 1987.

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