L’Amérique est-elle prête à élire une femme présidente?

Beaucoup de gens ont une image erronée des États-Unis d’Amérique, celle d’une grande démocratie et d’un pays ouvert et progressiste, mais ceci est un miroir aux alouettes car les Etats-Unis ne peuvent se résumer uniquement à Washington DC, à la Californie et à New York, un grand nombre des autres États demeure réactionnaire et l’idée de porter une femme à la présidence, qui plus est, de père jamaïcain et de mère indienne ne séduit guère une partie importante de l’électorat américain surtout masculin. La prochaine élection présidentielle n’aura pas uniquement des enjeux politiques stricto sensu mais sera aussi un cas d’école en matière de sociologie politique qu’il sera très intéressant à observer. 

Imed Bahri

Le magazine américain Newsweek a révélé que Kamala Harris, vice-présidente de Joe Biden et candidate à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine, a du mal à rassembler le soutien des électeurs masculins selon les données de récents sondages d’opinion particulièrement dans un certain nombre d’États. 

Un nouveau sondage, mené par The Economist et YouGov (une société internationale de technologie de données de recherche et d’analyse en ligne basée en Grande-Bretagne, active en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique) entre le 21 et le 23 juillet, a montré que seulement 39% des hommes ont déclaré qu’ils voteraient pour Harris tandis que 47% ont déclaré qu’ils voteraient pour l’ancien président Donald Trump. Le sondage a porté sur 1 435 électeurs inscrits et présentait une marge d’erreur de 3,1%.

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Un autre sondage mené par Emerson College entre les 22 et 23 juillet a abouti à un résultat similaire, les électeurs masculins de la plupart des États charnières optant pour Trump plutôt que pour Harris. Trump avait la plus grande avance sur Harris parmi les électeurs masculins du Michigan où il avait 16 points d’avance, 54 contre 38. Son avance en Pennsylvanie était légèrement plus petite avec 55% des électeurs masculins le soutenant avec un avantage de 15 points.

En Arizona et dans le Wisconsin, Trump avait 13 points d’avance tandis qu’en Géorgie, il menait de 10 points. Le sondage a porté sur entre 800 et 845 personnes dans chaque État et avait une marge d’erreur de 3%.

Dans le dernier sondage réalisé par le New York Times et le Siena College entre le 22 et le 24 juillet, 37% des hommes ont déclaré qu’ils voteraient pour Harris tandis que 56% ont déclaré qu’ils voteraient pour Trump.

Ces résultats surviennent après que les démocrates ont réalisé des gains parmi les hommes lors des élections de 2020 avec un écart de seulement 2 points entre Trump et le président Biden (50% contre 48%). C’est une augmentation par rapport à 2016 lorsque Trump avait gagné 11 points chez les hommes (52% contre 41%).

Les électeurs masculins ont toujours favorisé les candidats républicains tandis que les femmes ont tendance à privilégier les démocrates, un écart entre les sexes étant apparent à chaque élection présidentielle depuis 1980 selon le Center for American Women and Politics qui analyse les données électorales historiques.

Carrie Baker, professeur des questions relatives aux femmes, au genre et à la sexualité au Smith College du Massachusetts, a déclaré à Newsweek que pour capter le vote masculin, les démocrates «doivent développer des messages ciblant les hommes qui se concentrent sur les questions politiques et non sur Harris en tant que première femme présidente.»

Les handicaps du sexe et de la race

Harris, la première femme vice-présidente de l’histoire des États-Unis serait la première femme présidente des États-Unis de l’histoire en cas victoire. 

Selon une étude récente de la Young Men’s Research Initiative menée du 9 au 23 juillet, les hommes âgés de 18 à 29 ans étaient plus susceptibles de soutenir les candidates plutôt que Trump lorsqu’on leur présentait leurs politiques notamment leur soutien aux emplois bien rémunérés et aux logements abordables plutôt que lorsqu’on leur a présenté des arguments centrés sur l’importance d’avoir la première femme présidente. L’étude a porté sur 1 092 hommes de ce groupe d’âge.

«La tendance des jeunes hommes à s’éloigner des démocrates et leur sexisme croissant devraient être une préoccupation majeure pour les candidats de haut en bas», a écrit l’auteur de l’étude de la Young Men’s Research Initiative. «Mais nous ne pouvons pas abandonner la moitié d’une génération qui pourra voter pendant encore 50 ans. Cette recherche montre que nous pouvons faire des progrès en changeant la façon dont nous parlons des questions démocrates que les jeunes hommes soutiennent déjà. Nous devrions utiliser des messages ciblés pour les atteindre», a-t-il ajouté.

Le message de campagne de Harris a cherché à mettre en évidence son bilan en tant que procureur par rapport aux accusations criminelles de Trump. Les références à Harris en tant que potentielle première femme présidente de l’histoire des États-Unis ont été assez rares.

Jonathan Parker, maître de conférences en politique américaine à l’Université de Keele au Royaume-Uni, a déclaré à Newsweek qu’il ne fait aucun doute que Harris fera toujours face à l’opposition de certaines personnes en raison de son sexe et de sa race.

Cependant, Carrie Baker a ajouté qu’elle était convaincue que l’Amérique était «prête pour Harris et ce qu’elle propose en termes de politiques aide réellement les gens».

Le sondage Economist/YouGov a montré que 25% des hommes ont répondu «non» lorsqu’on leur a demandé s’ils espéraient voir les États-Unis élire leur première femme présidente. Cela est à comparer aux 23% des électrices interrogées qui ont répondu «non».

Toutefois, un élément important est à prendre en considération c’est que la classe moyenne et ses préoccupations seront au cœur de la campagne de Kamala Harris, ça sera un thème central et ceci aura l’avantage de parler à l’électorat au-delà de la question du genre. Elle a déjà indiqué ses priorités: augmenter les bas salaires, améliorer le pouvoir d’achat via les crédits d’impôts, réduire les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et faciliter l’accès des petites entreprises aux subventions sans oublier les mesures sociales comme les congés parentaux payants et l’aide à l’enfance.

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