Présidentielle tunisienne : Mondher Zenaïdi, un candidat «à distance»

Une question me taraude l’esprit depuis quelque temps et à laquelle je n’ai pas encore de réponse : est-ce que Mondher Zenaïdi, ci-devant candidat à la candidature à la présidentielle du 6 octobre 2024, et qui réside en France, acceptera de rentrer au pays pour mener sa campagne électorale, si, par miracle, la commission électorale accepterait sa candidature?

Ridha Kefi

L’ancien ministre de Ben Ali communique avec les Tunisiens, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et même les journalistes via sa page Facebook et son comité juridique, tout en restant en retrait, bien au chaud dans son exil volontaire en France.

Exilé volontaire, il l’est sans doute, parce qu’il est, officiellement, et pour l’instant, un homme libre, même si des poursuites judiciaires ont déjà été engagées contre lui, à l’instar d’autres activistes politiques dont la liste s’allonge chaque jour un peu plus et personne ne peut présumer où et quand s’arrêtera-t-elle.   

L’ambition est grande, mais la peur de la prison l’est encore plus

Apparemment, au niveau du discours tout au moins, Zenaïdi semble déterminé à faire valoir son droit à se porter candidat à la présidentielle. Et nous n’avons aucune raison pour ne pas le croire. Sauf que sa manière de faire coucou de temps en temps à ses électeurs potentiels à travers les réseaux sociaux a quelque chose de bizarre voire de pathétique, et qui en dit long sur l’atmosphère surréaliste où nage aujourd’hui notre pays. Pourquoi ne rentre-t-il pas au pays pour y mener le combat qu’il prétend mener pour «sauver la Tunisie, puis la réformer», comme il le dit lui-même? De quoi a-t-il peur? Craint-il d’être mis en prison dès qu’il foulera de ses pieds le territoire national? Probablement…

Par ailleurs, en introduisant un recours auprès du tribunal administratif contre la décision de la commission électorale de rejeter son dossier de candidature à la présidentielle, puis en interjetant appel contre le rejet de son recours par ledit tribunal, cherche-t-il vraiment à faire avaliser sa candidature pour pouvoir s’aligner sur la ligne de départ de la course au Palais de Carthage ou cherche-t-il seulement, en poussant les procédures jusqu’à leur terme juridique, à prouver que les prétentions démocratiques du régime en place sont fallacieuses?

Très tardif combat pour la démocratie

Quoi qu’il en soi, les démarches juridiques «à distance» de Zenaïdi nous semblent vouées à l’échec. La situation étant ce qu’elle est, aujourd’hui, en Tunisie, personne ne pariera un kopek sur les chances de l’ancien ministre de Ben Ali de concourir pour la présidence de la république et encore moins pour siéger au Palais de Carthage, en tout cas pas dans un avenir proche.

Les dés étant jetés, Zenaïdi, aujourd’hui âgé de 73 ans, estime peut-être qu’il a encore la possibilité de postuler, un jour, à la magistrature suprême. C’est pour cette raison qu’il s’agite aujourd’hui pour dire qu’il existe encore, qu’il a des partisans à l’intérieur et que le jour J – c’est-à-dire le jour où il pourra enfin rentrer au pays sans risque de se retrouver en prison–, il pourrait faire valoir son très tardif combat pour la démocratie, lui qui a longtemps servi la dictature sans état d’âme ni regret.

Pour conclure, j’aimerai poser une dernière question à Zenaïdi qui, tel que je le connais, me pardonnera ma critique amicale: la Tunisie aura-t-elle accédé à l’indépendance si Bourguiba avait mené la lutte pour la libération nationaleà distance?

Il faut dire que le courage politique n’est donné qu’aux hommes – et femmes – exceptionnels.

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