La présidentielle tunisienne entre non-dits, faux semblants et ambiguïtés

La commission électorale continue d’entretenir le mystère sur la suite du processus électoral pour la présidentielle du 6 octobre prochain. C’est à se demander si elle contrôle vraiment la totalité de l’opération comme elle ne cesse de nous en rebattre les oreilles. En effet, beaucoup d’éléments dans ce processus restent entourées de mystères et d’ambiguïtés, ce qui nuit énormément à sa transparence et à sa crédibilité.

Imed Bahri     

Nous ne reviendrons pas sur la polémique ayant entouré le refus de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) d’appliquer les décisions (censées être exécutoires) de l’assemblée générale du tribunal administratif reconnaissant le droit de candidature de trois candidats recalés par l’Isie : Abdellatif Mekki, Mondher Zenaïdi et Imed Daïmi, finalement écartés par la course par décision unilatérale.

Concernant l’un des trois candidats officiellement retenus par l’Isie, Ayachi Zammel en l’occurrence, personne, même au sein de la commission électorale, ne peut nous expliquer si sa candidature sera maintenue jusqu’au jour du scrutin, sachant que le candidat est incarcéré depuis plus de deux semaines, poursuivi dans plusieurs affaires de falsification de parrainages, et qu’il a même été condamné hier, par le tribunal de première instance de Jendouba, à 18 mois de prison ferme, en attendant les verdicts des autres affaires en cours contre lui à Tunis, Manouba, Siliana et Kairouan.

Même si la candidature de Ayachi Zammel, qui dénonce des affaires montées de toute pièce et de harcèlement judiciaire, semble être encore valable et si ses partisans continuent de faire semblant de mener campagne pour lui, quel crédibilité donner à un processus électoral tout en non-dits, en faux semblant et en interdits de toutes sortes, et dont l’un des principaux protagonistes est exclu de fait ?  

Un autre sujet suscite la perplexité des observateurs et des électeurs : la campagne électorale elle-même qui a du mal à vraiment démarrer avec un président sortant, Kaïs Saïed, dont on a du mal à distinguer les activités officielles de celles électorales. Lui-même semble avoir du mal de tracer une ligne de démarcation claire entre les deux niveaux, et l’Isie continue de regarder ailleurs, malgré les critiques en ce sens exprimées par un troisième candidat, Zouhair Maghzaoui. Lequel continue d’exiger un débat télévisé de premier tour entre les trois candidats, sans avoir encore de réponse à ce sujet, ni de la part de son supposé concurrent, Kaïs Saïed, ni de l’Isie elle-même.

Interrogé à ce sujet hier, mercredi 18 septembre, dans l’émission ‘‘Houna Tounes’’ sur Diwan FM, le porte-parole de la commission électorale Mohamed Tlili Mansri s’est contenté de rappeler que l’Isie a confirmé le principe du débat entre les candidats à la présidentielle dans ses décisions réglementaires, et qu’il n’y a pas eu de changement à ce niveau. Mais comment, quand, sur quels médias, sous quel format et avec quels candidats ce débat télévisé va-t-il avoir lieu? Mystère et boule de gomme, alors que nous sommes à moins de trois semaines du scrutin…

«En cas de débat télévisé entre les trois candidats à la présidentielle, il y aura un tirage au sort entre les concernés et la décision à ce propos reviendra aux médias publics», s’est contenté de dire Mohamed Tlili Mansri, confirmant ce que l’on sait déjà, à savoir que certains aspects de l’opération électorale échappent totalement à l’Isie, qui n’a pourtant de cesse de prétendre contrôler la totalité du processus.

Alors, le fameux débat télévisé qui, en 2019, a permis à Kaïs Saïed de prendre une sérieuse avance sur ses concurrents, aura-t-il lieu en 2024. Bien malin celui qui pourra répondre à cette question…