Présidentielle tunisienne : vers un statu quo

A l’approche de la présidentielle du 6 octobre prochain, ce qui préoccupe le plus les électeurs tunisiens c’est l’amélioration de leur pouvoir d’achat et de leur niveau de vie. Quelle que soit leur position sur Kaïs Saïed, dont la victoire est attendue, leur priorité reste la stabilité et le progrès.

Kamel Abdallah

Au final, seuls trois candidats sont en lice pour l’élection présidentielle tunisienne de 2024: le président sortant Kaïs Saïed (indépendant), Ayachi Zammel (parti Azimoun) et Zouhair Maghzaoui (mouvement Echaab).

L’opposition a accusé l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de partialité en faveur de Saïed, car elle n’a pas complété la liste des candidats comme prévu. Les observateurs s’attendent à un faible taux de participation, car une grande partie de la population souhaite simplement que les élections se terminent afin que le gouvernement puisse se concentrer à nouveau sur la détérioration de ses conditions de vie.

Lorsqu’elle a annoncé sa liste de trois candidats le 10 août, l’Isie a expliqué que tous les autres avaient été disqualifiés faute de parrainages suffisants. Trois des disqualifiés – Mondher Zenaidi, Abdellatif Mekki et Imed Daïmi – ont fait appel auprès du tribunal administratif qui, fin août, leur a donné raison. Cependant, lorsque l’Isie a annoncé la liste définitive des candidats, ceux-ci n’y étaient pas inclus. L’Isie a affirmé que cela était dû au fait qu’elle n’avait pas reçu [suffisamment à temps] la notification requise du tribunal administratif.

L’Isie avait disqualifié 14 candidats. La plupart ont fait l’objet d’accusations et de poursuites judiciaires pour falsification de parrainages et faits de corruption, ce qui a empêché l’Isie d’approuver leurs candidatures.

La commission électorale décriée

En vertu de la constitution tunisienne et des lois électorales tunisiennes, les personnes souhaitant se présenter à la présidence doivent obtenir l’appui de 10 membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), de 40 élus locaux ou de 10 000 électeurs dans différentes circonscriptions électorales de toute la Tunisie.

Les élections présidentielles ont été fixées au 6 octobre. Selon la loi, la période de campagne en Tunisie est de 21 jours, du 14 septembre au 4 octobre. Vient ensuite la journée de silence électoral. Les Tunisiens de l’étranger pourront voter les 4, 5 et 6 octobre. La période de campagne à l’étranger s’étend du 12 septembre au 2 octobre, le silence de campagne tombant le 3 octobre.

«L’Isie est le seul organe constitutionnellement habilité à garantir l’intégrité des élections», a déclaré le président de l’Isie, Farouk Bouasker, lors d’une conférence de presse le 2 septembre, après la confirmation de la liste définitive des candidats. Sa déclaration a suscité un tollé parmi les partis d’opposition, les militants et les organisations de défense des droits de l’homme dans le pays et à l’étranger. Ils ont appelé l’Isie à revenir sur sa décision, à respecter l’État de droit et à tenir compte de la décision du tribunal administratif.

Le 3 septembre, l’Isie a demandé à Saïed, Zammel et Maghzaoui de soumettre les listes de leurs représentants dans les bureaux de vote au plus tard le 28 septembre. Le lendemain, il a publié les limites des dépenses de campagne, mettant en garde les candidats contre toute violation des lois et réglementations sur le financement des campagnes destinées à garantir la transparence et l’équité du processus électoral.

Néanmoins, les voix de l’opposition continuent de remettre en question l’équité du processus électoral, avertissant que les actions de l’Isie pourraient délégitimer les élections.

Le gouvernement n’a pas empêché l’opposition d’exprimer librement ses opinions, même si les autorités judiciaires ont porté des accusations de corruption et de financement étranger contre certains opposants.

Un manque de soutien populaire

Même si une partie de l’opposition tunisienne critique le président Saïed pour son comportement «antidémocratique», selon les observateurs, le terme «démocratique» est un concept qu’une grande partie de l’opposition s’est avérée incapable de comprendre et de mettre en pratique au cours de la décennie précédant l’intervention du président pour réparer les failles du système.

Même si les forces d’opposition ont une forte présence médiatique, cela ne s’est pas non plus traduit par une présence significative sur le terrain : ce manque de base de soutien sur le terrain peut également être observé dans d’autres pays arabes.

C’est en raison du manque de soutien populaire que la plupart de ces candidats n’ont pas pu obtenir les parrainages requis, s’exposant ainsi à des allégations de fraude et de corruption, dont beaucoup ont été confirmées par la justice tunisienne. De l’avis de certains critiques, pour certaines personnalités de l’opposition, se présenter à la présidence n’est qu’un coup de propagande visant à l’autopromotion en adoptant une posture de défi.

La voix du parti islamiste Ennahdha est visiblement absente de l’opposition. Depuis que son chef, Rached Ghannouchi, a été condamné à trois ans de prison plus tôt cette année, la direction du parti est restée silencieuse, comme si elle reconnaissait qu’une grande partie de l’opinion publique et de nombreuses forces politiques avaient raison de blâmer Ennahdha pour l’état actuel du pays. Au cours de ses années au pouvoir, [le parti islamiste] n’a pas réussi à redresser l’économie ni à réaliser de manière tangible les progrès auxquels aspiraient les Tunisiens après la révolution de 2011.

Pendant ce temps, les critiques de l’opposition à l’égard du président, de l’Isie et du processus électoral semblent trouver un écho uniquement dans les cercles de l’opposition. Le grand public reste concentré sur le coût de la vie, l’emploi, la sécurité sociale et d’autres préoccupations fondamentales. Les conditions de vie sont allées de mal en pis ces dernières années, en grande partie à cause de la succession de crises mondiales.

Les Tunisiens sont donc devenus las des querelles politiques et des jeux de surenchère des forces d’opposition, tenant les hommes politiques pour responsables du gaspillage des opportunités de développement.

Les Tunisiens ont l’esprit ailleurs

Le 25 juillet 2021, le président Saïed, élu en 2019, a dissous le parlement, suspendu la constitution et institué une série de «mesures correctives» pour mettre fin à des années de paralysie gouvernementale. Il a ensuite supervisé l’adoption d’une nouvelle constitution qui établissait un système présidentiel accordant à l’exécutif des pouvoirs plus étendus que sous le système parlementaire précédent. Saïed, lui-même juriste et professeur de droit constitutionnel, estime que ce dernier système implique le gouvernement dans des querelles de partis politiques, l’empêchant de fonctionner efficacement.

Les réformes de Saïed ont donné lieu à des accusations d’autoritarisme de la part de factions politiques qui se sont désormais tournées vers l’opposition. Cependant, il a réussi à surmonter la dissidence et à propulser la Tunisie vers l’avant sur les plans économique et sociopolitique, malgré de grands défis.

L’amélioration de leur niveau de vie est ce qui préoccupe le plus les électeurs tunisiens. Ils se sont sentis abandonnés par les forces désormais dans l’opposition et ne sont que trop conscients des impacts des combats partisans effrénés sur leur bien-être économique, la paix sociale et la sécurité nationale. Quelle que soit leur position sur Kaïs Saïed lui-même, dont la victoire est attendue le 6 octobre, la priorité reste la stabilité et le progrès.

Traduit de l’anglais.

Source : Ahram Online.

* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

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