La désaffection de l’électorat arabe compromettra-t-elle l’élection de Kamala Harris?

Alors que le génocide perpétré par Israël à Gaza est entré dans sa deuxième année et qu’il n’aurait pas pu avoir lieu sans les interminables livraisons d’armes américaines et avec l’embrasement actuel de l’ensemble du Moyen-Orient, l’élection présidentielle américaine prévue pour le 5 novembre prochain risque d’être impactée par cette réalité.  Les électeurs arabes-américains, même après le désistement du président démocrate Joe Biden, ne se sont pas rués vers sa vice-présidente Kamala Harris ce qui pourrait lui coûter l’élection. La situation dans le swing state (État bascule) du Michigan à forte population arabe, dont beaucoup de Palestiniens et de Libanais chiites, en est l’illustration. 

Imed Bahri

Le journal britannique The Times a publié une enquête préparé par Tom Newton Dunn depuis la ville de Dearborn dans l’État américain du Michigan dans laquelle il s’interroge sur la capacité de la candidate démocrate à reconquérir les votes arabo-américains un an après la guerre israélienne contre Gaza et avec la guerre actuelle au Liban. 

L’auteur estime qu’il y a de grandes chances que le soutien américain à Israël coûte à Kamala Harris l’accession à la Maison Blanche se basant sur ce qu’a déclaré le maire démocrate d’une ville dans laquelle vit la plus grande communauté arabe des États-Unis.

Abdullah Hammoud, maire de Dearborn dans le Michigan, qui est l’un des États charnières qui décideront certainement du sort des élections, a déclaré: «Si vous voulez accéder à la plus haute fonction du monde, vous devriez penser à écouter la base électorale que vous voulez qu’elle vote pour vous en novembre.» 

Les Arabo-américains dans l’expectative

Le soutien aux opérations militaires israéliennes à Gaza et au Liban a influencé le soutien des Américains arabes et musulmans au Parti démocrate. Si Harris et le président Biden veulent restaurer le soutien arabo-américain, ils doivent rester fermes face à Benjamin Netanyahu.

Il y a quatre ans, les musulmans américains préféraient Biden à Trump avec une marge de 86% contre 6% selon un sondage d’opinion préliminaire. Aujourd’hui, il semble qu’une grande partie d’entre eux se prépare à abandonner le Parti démocrate en raison de sa politique étrangère.

Harris a rencontré des dirigeants arabes et musulmans dans des États importants la semaine dernière notamment au Michigan mais malgré sa rencontre avec le groupe Image Action et la militante palestino-américaine Hala Hijazi, certains démocrates s’inquiètent du fait que Harris n’ait pas réussi à empêcher les défections de bases électorales vitales.

La mort du Libano-américain Haj Kamel Ahmed Jawad, lors d’une frappe aérienne israélienne, a encore tendu les relations au sein de la communauté arabo-américaine.

Dans le Michigan, qui compte le pourcentage d’Arabes-Américains le plus élevé de tous les États américains, avec environ 220 000 personnes, ce qui pourrait être décisif le jour du scrutin. Les 82 000 chrétiens libano-américains ressentent la même déception que les Palestiniens-Américains.

Donald Trump a remporté le Michigan en 2016 par 10 000 voix. Mais quatre ans plus tard en 2020, Biden a renversé la situation et a gagné par 154 000 voix grâce aux Arabes américains.

Aux inquiétudes des démocrates s’ajoute la décision du maire démocrate conservateur de Hamtramck à Detroit, Amir Ghalib, de soutenir la campagne de Trump décrivant l’ancien président comme un «homme de principes» et «le meilleur choix pour cette époque».

Un sondage publié par le Council on American-Islamic Relations (CAIR) en août a révélé que 12% des musulmans du Michigan étaient favorables à Harris, 18% soutenaient Trump et 40% soutenaient la candidate du Parti Vert Jill Stein qui a appelé à un embargo immédiat sur les armes à Israël.

Dans un sondage publié la semaine dernière par l’Arab American Institute de Washington à l’occasion du premier anniversaire de la guerre à Gaza, il a été constaté que Trump devançait Harris, 46% pour lui et 42% pour elle parmi les Arabes-américains qui devraient participer au vote.

Cependant, Trump ne bénéficie pas d’un grand soutien de la part des Arabes-américains, notamment pour avoir empêché les résidents des pays musulmans d’entrer aux États-Unis au début de son premier mandat. L’engagement de l’actuel candidat républicain d’expulser 15 millions d’immigrés illégaux, ce qui constituerait la plus grande expulsion massive de l’histoire américaine, inquiète également d’autres.

Israa Anan, 27 ans, a déclaré que ce plan était effrayant et c’est que que l’Amérique ne doit pas faire ajoutant: «Je ne voterai jamais pour Trump et je ne peux pas le supporter». Son mari, Guan, qui n’est pas d’accord avec elle, a déclaré qu’il pourrait voter pour Trump ce qui indique une différence dans les attitudes de genre à l’égard des candidats. «Il dit beaucoup et fait peu», a expliqué Guan, ajoutant que la promesse de Trump d’expulser des millions de personnes était faite pour sa campagne. «Je ne pense pas qu’il fera cela car cela serait préjudiciable à l’économie, ce n’est pas son objectif», a-t-il estimé.

Harris sous la menace de l’abstention des Arabes-américains

Hammoud, le maire de Dearborn, affirme que la plus grande menace pour Harris au sein de la communauté arabo-américaine ne vient pas de Trump mais de l’apathie résultant de la guerre.

«Si vous remontez à 2016 et à Hillary Clinton, tout le monde parle de la façon dont Donald Trump a remporté le Michigan avec moins de 11 000 voix», a déclaré Hammoud dans son bureau surplombant le siège historique de 12 étages de Ford Motor Company, et de poursuivre: «Eh bien, la réalité est qu’environ 80 000 personnes n’ont voté pour aucun des deux candidats sur la liste ce qui a conduit à la victoire de Trump et ma plus grande crainte est que cette fois, ils ne viendront pas voter.» 

Comme Trump, Harris doit parler aux deux côtés. Si elle s’adresse aux Palestiniens, elle risque de perdre et de s’aliéner 7,5 millions d’électeurs juifs mais si elle veut gagner dans le Michigan, elle doit choisir entre eux, a déclaré James Zogby, fondateur de l’Arab American Institute, soulignant un autre résultat du sondage de la semaine dernière, si Harris promettait d’arrêter les expéditions d’armes vers Israël jusqu’à ce qu’il accepte un cessez-le-feu et se retire de Gaza, sa popularité parmi les Arabes-américains atteindrait 60% et plus que celle de Biden en 2020. Il conclut: «Maintenant que cette guerre a éclaté et s’est étendue, il est essentiel que Kamala Harris adopte une position plus ferme. Quelque chose de décisif doit être fait et cela signifie dire à Israël d’arrêter maintenant ce qu’il fait au Liban et à Gaza. Sinon, les démocrates peuvent dire au revoir au Michigan.»

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