Entretien : Karim Benkrimi et les blessures de l’enfance

À travers son œuvre autobiographique ‘‘On ne guérit pas de son enfance’’, Karim Benkrimi nous ouvre les portes de son parcours personnel, en partageant ses luttes intérieures, ses réflexions profondes sur la guérison des blessures d’enfance, et l’importance de la thérapie dans ce processus. Il explore également le rôle central de l’écriture dans la gestion des émotions. Dans cet échange inspirant, nous discuterons de ses perspectives sur la santé mentale, son processus créatif, ainsi que ses projets futurs. Voici un dialogue sincère avec un auteur qui ne craint pas la vulnérabilité.

Propos recueillis par Djamal Guettala

Kapitalis : Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre autobiographique ? Était-ce un besoin de thérapie ou un moyen de partager votre expérience?

Karim Benkrimi : J’ai ressenti un besoin impérieux d’écrire cette autobiographie. En premier lieu, c’était une forme de thérapie pour moi. Ensuite, cela m’a permis de partager mon expérience avec le public, dans l’espoir que cela puisse résonner avec ceux qui ont traversé des épreuves similaires.

Pourquoi le choix de ce titre? Quel message souhaitez-vous transmettre à travers lui?

Ce titre m’est apparu comme une évidence. Il reflète l’idée que les blessures d’enfance laissent des traces indélébiles, mais il est tout de même possible de les surmonter. Mon but est de faire comprendre au lecteur que bien que la guérison soit possible, elle est loin d’être facile. Elle demande de la patience, de la persévérance, et un engagement envers soi-même.

Comment l’écriture vous a-t-elle aidé à gérer vos angoisses et à surmonter les moments difficiles ?

L’écriture a été pour moi un puissant exutoire. C’est par la catharsis que j’ai pu extérioriser mes angoisses et mes émotions refoulées. Elle m’a offert un espace sûr où je pouvais organiser mes pensées et trouver une forme de paix intérieure.

Avez-vous hésité à dévoiler autant de vous-même ? Comment avez-vous géré cette vulnérabilité ?

Oui, se dévoiler demande un certain courage. Mais une fois qu’on accepte de se montrer tel que l’on est, la vulnérabilité devient une force. C’est en embrassant ma vulnérabilité que j’ai trouvé l’audace de m’exprimer pleinement et d’admettre mes limites.

Votre livre est ponctué d’anecdotes et de digressions. Comment avez-vous décidé des moments à mettre en lumière et de ceux à garder plus intimes ?

Les anecdotes et digressions servent à rendre le récit plus vivant et plus accessible. J’ai choisi de mettre en avant les moments les plus marquants de mon parcours, tout en gardant certains souvenirs plus intimes pour moi. Cela permet aussi d’apporter une certaine légèreté dans l’écriture, tout en explorant des thèmes complexes.

La psychanalyse semble avoir joué un rôle clé dans votre parcours. Que diriez-vous à quelqu’un qui hésite à entamer ce type de thérapie ?

La psychanalyse m’a énormément aidé à comprendre mon inconscient et à dénouer des conflits intérieurs. À ceux qui hésitent, je dirais qu’il faut faire preuve de courage et de patience. La guérison prend du temps, mais elle commence par accepter de se confronter à soi-même et à ses douleurs. Si la psychanalyse semble trop longue ou coûteuse, la psychothérapie moderne peut aussi être une alternative plus flexible.

Pensez-vous qu’on puisse vraiment guérir des blessures de l’enfance, ou est-ce un travail constant ?

La guérison des blessures d’enfance est un processus long et complexe. C’est un travail constant qui nécessite du temps et de la persévérance. Cependant, avec un soutien thérapeutique adéquat et la volonté de changer, il est possible de surmonter ces blessures.

Quelle est votre vision actuelle de la santé mentale en Algérie, et quels conseils donneriez-vous à ceux qui souffrent en silence ?

La santé mentale en Algérie reste un sujet encore trop peu pris au sérieux. De nombreuses personnes souffrent en silence, faute de sensibilisation et d’accès aux soins. Je conseille à ceux qui souffrent de ne pas rester seuls et d’aller consulter un spécialiste. Il est également crucial que les parents soient attentifs aux signes avant-coureurs chez leurs enfants, car une maladie mentale, tout comme une maladie physique, doit être traitée avec sérieux et compassion.

Vous êtes cadre dirigeant à la Banque de l’agriculture et du développement rural. Comment avez-vous concilié les exigences de votre carrière avec vos défis personnels?

Heureusement, ma vie professionnelle n’a pas eu d’incidence négative sur mon écriture. J’ai appris à gérer les deux de manière harmonieuse, et je dirais même que mon travail nourrit parfois mon inspiration pour écrire.

Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre, et quelle aide espérez-vous leur apporter à travers votre témoignage ?

Mon souhait est que les lecteurs comprennent qu’ils ne sont pas seuls dans leurs luttes. À travers mon témoignage, j’espère leur offrir un miroir de leurs propres expériences, et les encourager à ne jamais abandonner, même face à la douleur. Il y a toujours de l’espoir, même dans les moments les plus sombres.

Envisagez-vous d’écrire d’autres livres ? Si oui, sur quels sujets aimeriez-vous vous concentrer à l’avenir ?

Oui, j’ai récemment terminé un roman que je suis impatient de partager avec le public. J’aimerais également écrire des essais à l’avenir, peut-être sur des sujets qui touchent à la psychologie et aux dynamiques sociales. Inchallah, d’autres projets verront le jour.

‘ On ne guérit pas de son enfance’’, de Karim Benkrimi, éd. El Amir, Marseille.  

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