Ce jour-là : le 26 janvier 1978, l’autonomie de l’UGTT et ses soucis

Cet article se veut donc une contribution à la commémoration du 26 janvier 1978, un vibrant hommage à «Si Lahbib» (Habib Achour) et à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) autonome et démocratique.

Prof. Moncef Ben Slimane *

Le 26 janvier 1978 demeure une date emblématique dans l’histoire de la Tunisie, symbole de la lutte de l’UGTT pour l’autonomie syndicale et la démocratie. Ce jour-là, la première grève générale de l’ère post-indépendance fut réprimée dans le sang par le régime, marquant un tournant décisif dans les relations entre le pouvoir et le mouvement syndical.

L’armée, la police et les milices du Parti socialiste destourien (PSD), sous la direction de  Mohamed Sayah, laissèrent derrière elles plus de 400 victimes, plongeant le pays dans un climat de terreur.

Le libéralisme économique des années 70 qui se voulait une alternative au socialisme destourien des années 60, eut pour résultat une inflation galopante, un chômage en hausse et des inégalités sociales criantes.

La grève générale s’imposa comme le seul moyen qui restait entre les mains de l’UGTT pour revendiquer de meilleures conditions de vie pour les travailleurs.

L’autonomie de l’UGTT n’est plus un slogan

Habib Achour déçu par l’échec du «Pacte social» signé, un an plus tôt, avec le gouvernement Hédi Nouira, n’hésita pas à proclamer l’application du mot d’ordre de la grève le 24 janvier, peu après l’arrestation d’Abderrazek Ghorbel, secrétaire général de l’URT de Sfax.

Ce 26 janvier fut aussi l’occasion pour Zine El Abidine Ben Ali de démontrer ses talents de futur dictateur en opérant des arrestations massives parmi les responsables syndicaux dans l’espoir de mettre à genoux l’UGTT.

Un retour rapide sur les événements qui font date dans notre histoire nationale, nous permet d’affirmer que le mouvement étudiant de février 1972, suivi du 26 janvier 1978, ont tracé la voie menant, quelques décennies plus tard, à la révolution de 2011.

Aujourd’hui, revisiter le 26 janvier 1978 et ce qu’il a représenté pour l’UGTT de sacrifices et d’espoir nécessite de rappeler que le respect de l’autonomie de l’UGTT ne se limite pas à un simple slogan scandé lors des discours syndicaux.

L’Ittihad Moustakel repose sur des principes et de nouveaux rapports à instaurer avec le pouvoir et l’Etat.

Primo, l’autonomie exige que ni les dirigeants nationaux ni régionaux de l’UGTT ne peuvent cumuler des responsabilités syndicales et partisanes.

Secundo, l’autonomie sous-entend l’abandon de la tradition des «ministres de l’UGTT», une mauvaise habitude qui consiste à offrir des postes gouvernementaux ou administratifs à des proches ou des protégés de la centrale syndicale.

Ceci dit, les autorités et les patrons ont de multiples autres stratagèmes pour mettre sous leur coupe des responsables syndicaux à tous les niveaux.

L’inflexible lion de Kerkennah

Lorsque le gouvernement réalisa que la répression du 26 janvier n’avait pas suffi à soumettre l’UGTT, il organisa en mai 1981, le  Congrès de la réconciliation à Gafsa.

L’une des conditions de la «normalisation» fut l’éviction de «l’inflexible lion de Kerkennah» du Bureau exécutif de l’organisation. Ce qui fut fait.

Mais c’était sans compter sur la popularité et le soutien dont Achour bénéficiait au sein des structures et parmi les militants syndicaux. Aussi la page peu reluisante du congrès de Gafsa fut tournée six mois après, sous l’impulsion des syndicalistes mobilisés dans ce qu’il a été désigné «la bataille contre l’exclusive». Et c’est le Conseil national de novembre 1981 qui imposera le retour de Habib Achour à la tête de l’UGTT.

Au fil de mes engagements politiques et syndicaux, j’ai croisé de nombreux «petits Bourguiba» parmi les militants et les activistes. Mais «Si Lahbib» reste au-dessus du lot car il possédait un charisme qui coule de source et un courage hors du commun.

* Ex-SG du syndicat de l’enseignement supérieure.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!