Né en 1749 à Francfort, Goethe est poète et romancier de langue allemande. Il commence à écrire ‘‘Le Divan’’ en 1814, à l’âge de 65 ans. Il y mettra cinq ans. Il est alors directeur de théâtre, à Weimar.
Certains cycles poétiques dans le recueil, prennent la forme de dialogues de théâtre. Epris et marqué par la culture orientale, musulmane à travers la poésie persane de Ferdowsi, Hafiz et Djami, il cherche une philosophie de sagesse ancestrale, tout en gardant ses passions de jeunesse, prêche pour une vision apaisée du monde, croise Occident et Orient dans un dialogue remontant à l’Histoire reculée, jusqu’à se faire l’interlocuteur de Hafiz et se comparer à lui. Il décède en 1832.
Tahar Bekri
A Hafiz
Et tu l’as bien compris :
Car le désir, de la poussière au trône,
Nous tient tous en ses liens étroits.
Cela fait si mal, et tant de bien ensuite,
Qui donc résisterait ?
Si l’un s’y casse le cou,
Un autre garde son audace.
Maître, pardonne ; aussi bien sais-tu
Que souvent je m’enhardis
Lorsqu’il tire les regards à sa suite,
Ce cyprès qui va son chemin.
Son pied, tel une racine, glisse
Et frôle le sol,
Son geste s’efface comme une nuée légère,
Son souffle est comme la caresse du vent d’Est.
Tout nous attire et nous presse
Dès qu’une bouche à une autre boucle se frôle,
Qu’une brune chevelure déroule sa richesse
Et frémit au souffle du vent.
Alors se découvre à nos yeux son front clair,
Pour y lisser et polir ton cœur,
Tu perçois, joyeuse et sincère,
Pour y bercer doucement ton esprit.
Et si les lèvres alors
S’animent avec grâce,
Elles te font libre soudain
D’accorder de bon cœur les chaînes
…
.Et si rien pour toi ne reste mystère
De ce que contient le cœur et le monde,
Tu fais signe au sage, fidèle et aimable,
Pour que se déploie le sens caché
Et pour que, au trésor, près du trône,
Rien non plus ne se perde pour nous,
Tu donnes au schah une bonne parole
Et en donnes une au vizir.
Tout cela tu le connais et le chantes aujourd’hui,
Et tu le chanteras demain :
C’est ainsi que tu nous mènes, guide bienveillant,
A travers les périls et les douceurs de la vie.
(Extraits)
Traduit de l’allemand par Henri Lichtenberger
Goethe, Le Divan, Poésie/Gallimard
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