Contrairement aux désidératas d’Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés, de récentes enquêtes d’opinion réalisées auprès des populations palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie montrent qu’il sera impossible d’ignorer le Hamas en tant que force politique lorsqu’on parle de l’après-guerre ou d’un processus politique futur.
Par Marwan Mouasher *
Alors que la communauté internationale et de nombreux centres de recherche ont commencé à parler de l’après-guerre d’Israël contre Gaza et à présenter de multiples scénarios pour répondre à des questions difficiles sur qui dirigera ce territoire palestinien après la guerre, ou sur les chances de lancer un processus politique pour résoudre le conflit, il y a un facteur qui n’est pas pris avec le niveau de sérieux requis lors de l »élaboration de ces propositions, c’est l’opinion publique palestinienne dans les territoires occupés, c’est-à-dire en Cisjordanie, à Jérusalem et dans la bande de Gaza.
Les facteurs de réussite de tout plan futur ne peuvent être obtenus sans prêter dorénavant attention au pouls de la rue en Palestine occupée.
C’est pourquoi le récent sondage d’opinion réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (Ramallah, Cisjordanie), dirigé par Khalil Shikaki, revêt une importance particulière : en plus d’être le centre palestinien le plus important et le plus crédible pour mener de telles recherches, il met en lumière pour la première fois sur l’opinion de la rue palestinienne depuis le 7 octobre. La première enquête a été menée en face à face entre le 22 octobre et le 2 décembre de cette année, à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (pendant la période de trêve). Même si tout sondage d’opinion représente un instantané de l’opinion des gens à un moment donné, ignorer cette opinion aura de graves conséquences sur les plans en cours d’élaboration.
L’enquête a couvert tellement d’aspects qu’il n’est pas possible de tous les énumérer dans cet article. Mais cela a mis en lumière l’ambiance générale de cette période sur plusieurs sujets que je voudrais souligner.
Quelle place pour le Hamas ?
La première question concerne qui dirigera Gaza après la guerre. 64% des personnes interrogées (73 % en Cisjordanie et 51 % à Gaza) prédisent que le Hamas gouvernera, tandis que 60% (75% en Cisjordanie et 38% à Gaza) préfèrent le règne du Hamas après la guerre à tout autre scénario. Ce que révèle l’enquête, c’est que tout scénario d’après-guerre ne peut ignorer le Hamas et qu’il s’est imposé comme un acteur important sur la scène à l’étape suivante.
Il convient de noter ici la grande différence de soutien au Hamas entre la population de Gaza et celle de Cisjordanie, car la popularité du Hamas est beaucoup plus élevée en Cisjordanie qu’à Gaza, et cela est peut-être compréhensible après les grandes souffrances endurées par Gaza à la suite de l’agression israélienne.
En comparaison, seulement 7% des personnes interrogées souhaitent que l’Autorité nationale palestinienne, dirigée par le président Mahmoud Abbas, gouverne Gaza après la guerre, seulement 3% soutiennent une force arabe pour diriger Gaza, et 88% souhaitent qu’Abbas démissionne de ses fonctions. Ces chiffres sont importants et peut-être choquants pour tous les scénarios internationaux proposés aujourd’hui qui supposent que l’Autorité nationale palestinienne, sous sa forme actuelle, sera acceptable pour administrer Gaza.
L’Autorité palestinienne en perte de vitesse
Concernant les forces politiques préférées des Palestiniens en cas d’élections législatives, le Hamas obtiendra 43% (44% en Cisjordanie et 38% à Gaza), tandis que le Fatah recueillera 17% (16% en Cisjordanie et 25% à Gaza). Les troisièmes forces (exception faite du Fatah et du Hamas) ont obtenu 23% (plus que le Fatah) et 17% ont déclaré qu’elles n’avaient pas encore décidé pour qui voter. Une fois de plus, il est à noter qu’il existe aujourd’hui un grand soutien au Hamas, et il est également à noter que les troisièmes forces de la société sont aujourd’hui supérieures au Fatah.
Étant donné que le système électoral palestinien est de type proportionnel, toutes ces forces seront représentées au prochain conseil législatif, et il sera impossible d’ignorer le Hamas en tant que force politique lorsqu’on parle d’un processus politique futur.
Il est également clair que la politique consistant à ne parler qu’à l’Autorité nationale palestinienne sous sa forme actuelle est inefficace, dans la mesure où le Hamas et les troisièmes forces de la société palestinienne l’ont contournée.
Quant à savoir qui les Palestiniens préfèrent diriger l’ère post-Abbas, une large majorité a choisi le prisonnier Marwan Barghouthi (36%), suivi d’une large marge par Ismail Haniyeh (19%), Yahya Sinwar (16%) et Mohamed Dahlan (4%), tandis que Hussein Al-Sheikh, qui fait partie des favoris du président Abbas, il ne recueille que 1%.
Concernant la forme de la solution finale au conflit, 64% des Palestiniens s’opposent à l’idée d’une solution à deux États, et seulement 34% la soutiennent, et 65% estiment que la solution à deux États n’est plus pratiquement possible en raison à l’expansion des colonies.
Fait remarquable également, interrogés sur la meilleure façon de mettre fin à l’occupation israélienne et d’établir un État palestinien indépendant, 63% des personnes interrogées (20% en Cisjordanie et 56% à Gaza) ont insisté sur la résistance armée, contre 20% préférant les négociations et 13% de ces derniers croient en la résistance pacifique.
Il y a vingt ans, aucune majorité palestinienne ne croyait à la résistance armée, ce qui signifie aujourd’hui l’abandon des moyens pacifiques, étant donné qu’ils n’ont pas permis de mettre fin à l’occupation.
Ces résultats indiquent des développements importants dans l’humeur populaire palestinienne, et peut-être que le manque de sérieux de la communauté internationale dans l’arrêt de l’occupation israélienne et la création d’un État palestinien. Si ce manque de sérieux continue, cela aboutirait à un basculement vers la résistance armée dans la prochaine étape et pour longtemps.
La communauté internationale aurait intérêt à bien étudier ces résultats, à en tirer les leçons nécessaires et à se tenir à l’écart des propositions qui n’ont aucun lien avec la réalité.
Traduit de l’arabe.
Source : Al-Quds.
* Ecrivain jordanien.
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